Issue des pays du Proche-Orient, et notamment d’Égypte, la « raqs sharqî » ou danse du ventre, est perpétuée depuis de nombreuses générations. En Palestine, Israël, Syrie, Liban ou encore en Turquie, des étoiles de la danse orientale voient le jour, et deviennent des références internationales. Des femmes, mais aussi des hommes – beaucoup trop de gens pensent que cet art est exclusivement féminin parce que sensuel –, exportent leur art, créant des écoles à travers le monde.
Cependant, le paradoxe qui règne aujourd’hui est alarmant. Aux États-Unis, en Europe et en Amérique Latine, la danse orientale attire beaucoup de novices. Alors que dans des pays comme l’Égypte, où cette danse est née, elle est actuellement interdite. Les Frères musulmans, de plus en plus influents politiquement dans ces pays, poursuivent cette pratique, qu’ils jugent indigne de l’ “art propre” islamique. Les danseuses sont persécutées, traquées, et doivent aujourd’hui – pour celles qui ont décidé de continuer – poursuivre clandestinement leur passion, qui est, la plupart du temps, également leur métier. Les écoles de danse sont fermées, on préfère faire étudier aux jeunes filles les préceptes radicaux de l’Islam plutôt que la danse du ventre.
En juin dernier, sur LCP, un très bon documentaire était diffusé sur ce sujet. Il traitait des stars musicales en Égypte, et consacrait une partie de son étude sur les danseuses orientales. Il n’en resterait plus qu’une centaine osant exercer leur métier en Égypte. La peur des représailles salafistes, les pressions sociales et familiales rendent la vie impossible à ces femmes. Elles sont victimes de remontrances quotidiennes dans la rue, de préjugés, d’attaques personnelles. Beaucoup abandonnent, refusant que leurs enfants subissent les railleries qui incombent à “une fille ou un fils de danseuse”.
La danse orientale n’est plus considérée comme un art. Il s’agit, pour les salafistes, d’une provocation, d’un érotisme choquant en contradiction avec leur morale. Dans la rue, cela est parfaitement palpable : si une danseuse arrive maquillée ou sans le voile parce qu’elle se rend à un spectacle, les hommes peuvent devenir violents face à elle. Pour organiser un spectacle de danse orientale aujourd’hui en Égypte, il faut l’agrément du comité des censures et de la police des mœurs, autant dire un mur infranchissable…
C’est une institution et une tradition qui est aujourd’hui en train de disparaître dans la partie du monde où elle a pourtant vu le jour. C’est pour cela que faire de la danse orientale, avec le respect des valeurs que divulgue cet art, c’est un acte politique. Contrôle et conscience de son propre corps, respect de celui-ci, paix intérieure et confiance en soi n’ont rien à voir avec la vulgarité. Transmettre cet art de part le monde, le perpétuer et le respecter ailleurs qu’au Proche-Orient, le fera peut-être revenir un jour, victorieux, dans son propre berceau.
Anaïs Denet
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