Le mercredi 5 juin, Clément Méric, un activiste antifasciste de 19 ans, est mort au nom de ses idées.
Venu participer à une vente privée Fred Perry, une marque prisée par les skinheads de tous bords politiques, cet étudiant en première année à Sciences Po a été sauvagement attaqué par une bande de militants d’extrême-droite rencontrés sur place. Les blessures qu’ils lui ont infligées, en plein jour et au beau milieu d’un quartier très fréquenté, l’ont laissé dans un état de mort cérébrale. Sa mort clinique est survenue le lendemain.
Les circonstances exactes de cette agression restent encore à être déterminées, mais déjà les hommages fleurissent.
Dans un contexte de montée de la droite dure, sa mort a suscité un vive émoi : de l’UMP au NPA, en passant par les centristes et les socialistes, pratiquement toute la classe politique a condamné cet acte de barbarie.
A l’invitation de ses camarades de lutte, deux grands rassemblements ont été organisé hier à Paris. Le premier eut lieu à 17 heures, sur le lieu même du drame.
Des fleurs et des petits mots avaient déjà été déposés par ses camarades de lutte, ou de simples sympathisants, à l’endroit précis où il a été tué.
Dans une ambiance particulièrement tendue, les membres de l’organisation dans laquelle il militait, le groupe Action Antifasciste Paris-Banlieue, sont arrivés sur place en brandissant une banderole sur laquelle était inscrit : « Clément 05.06.2013, à jamais l’un des nôtres ».
La plupart de ces militants d’obédience anarchiste étaient encore sous le coup d’une vive émotion, et très peu acceptaient de parler à la presse.
Le mot d’ordre des militants antifascistes semblait être la sobriété.
Hier, les poings brandis remplaçaient les pancartes habituelles.
Ne voulant pas verser dans le même ridicule que les étudiants de Sciences Po qui, au cours de la petite cérémonie tenue rue Saint Guillaume à la mémoire de leur ancien camarade, avaient entonné le matin même le « Chant des partisans », les antifas ont réussi à imposer le silence, alors que tout autour la vie de ce quartier très commerçant continuait son cours.
Ces longues minutes de silence étaient ponctuées de séries de « No Pasarán » ou de « Clément ! Clément ! Antifa ! » tonitruants repris par la foule.
La seule déclaration faite par le collectif anti-fasciste fut la brève allocution au cours de laquelle ils ont rappelé les circonstances tragiques et le caractère politique de la mort de Clément Méric, ainsi que son parcours et ses convictions.
Au grand déplaisir des camarades endeuillés de Clément Méric, déjà agacés de voir autant de drapeaux d’organisations qui d’ordinaire les regardent de haut, même l’UNEF a pu s’exprimer au micro installé devant la fontaine monumentale de cette place. Quelques minutes plus tôt, la dauphine de Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo, avait pourtant dû étre discrètement évacuée de la place, aux cris de « Socialos trahison ! », accusée de tentative de récupération. Aucune autre figure socialiste de premier plan n’a été vu.
Jean-Luc Mélenchon était lui aussi présent, mais il a eu l’intelligence, et la délicatesse, de ne pas s’exprimer publiquement.
Cette seconde manifestation se démarquait de la première de par le nombre de personnes qu’elle a attiré. Alors que la première était plus intime, la seconde a fait venir plusieurs milliers de personnes.
L’ambiance aussi était différente : alors que dans la rue Caumartin l’heure était au recueillement et à la colère froide, sur la place Saint Michel, il s’agissait de resserrer les rangs de la gauche d’opposition face aux dangers inédits présentés par l’extrême-droite.
L’hommage s’est achevé un peu plus d’une heure après son commencement, à l’issue d’une ribambelle de discours qui, par effet d’accumulation et de répétition, finissaient par sonner faux.
Les antifas ont néanmoins tenu à reprendre un instant la parole afin d’inviter toutes les personnes présentes à une nouvelle manifestation prévue pour demain : ils ont perdu l’un des leurs, mais la lutte continue.
Arnaud Salvat
Photos: A.S. pour ParlonsInfo.