Arts Martiens d’IAM est dans les bacs depuis fin avril 2013. Dans une atmosphère où le rap français se déchire à la recherche de « pseudo leader auto proclamé boss du rap », IAM délivre une prestation solide et sans faux pas rappelant en passant, qu’ils sont toujours là et bien là.

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Photo : Licence CC.

« NTM, Solaar, IAM c’est de l’antiquité ».  Telle  est  la  vision  que  Booba  avait  en  2008  du  groupe marseillais, précurseur du rap français dans le début des années 1990. C’était probablement un peu prématuré. Certes,il est possible d’imputer quelques erreurs au groupe ces dernières années comme le morceau  Coupe le cake  en 2007.  Mais IAM a écrit l’histoire et y perdurera. En quelques sortes, IAM est au rap français ce que le Wu tang clan est au rap américain. A savoir l’essence même du rap. S’ils ont fait partie des pionniers du rap, les deux groupes ont eu à charge de l’inscrire dans la tendance.  C’est donc sans surprise que l’alchimie fut parfaite sur le morceau La Saga, où IAM avait invité quelques membres du Wu Tang Clan sur l’album L’École du Micro d’argent en 1997. IAM  est  donc  le  rap  français.  Dans  une  époque  qui  cultive  l’apparence,  le  paraître,  la  forme  au détriment du fond, IAM délivre un album qui, comme à leur habitude, lie le fond et  la forme avec une harmonie  déconcertante.  Si  IAM  a  commencé  sur  des  beats  de  break  très  simples  et redondants,  ils ont  su prendre  ce  que  la  technique  a  offert,  pour  parfaire  des  instrus  modernes  en  y  apposant  leur légendaire flow et franc-parler.

Arts Martiens  est  donc  un  opus  pur,  composé  de  dix-sept  morceaux. Cet  album  est  d’autant  plus impressionnant qu’il  est  semblable  à  l’École du Micro d’Argent  sorti  en  1997.  C’est  un  album composé de morceaux complémentaires et sans fantaisies. Un album de rap pur ; énervé, sincère et incroyablement  d’actualité.  Le  groupe  légendaire  continue  d’inscrire  leur  musique  dans  un  esprit  de guerrier-super héros prêt à passer à l’attaque. Ça avait commencé en 1997,  par L’assaut sur l’école du micro en bois et ils continuent en 2013 avec de récurrentes références aux spartiates (Spartiates spirit), aux samouraïs (Benkei et Minamoto) ou encore aux héros de bandes dessinées (Marvel).  IAM inscrit donc son dernier né dans la stricte continuité de ses aînés. A l’écoute, on retrouve  par  les  instrus,  les  ambiances  propres  au  rap  de  Marseille  qui  existaient  sur  l’Ecole du Micro d’Argent, sur Où je Vis de Shurik’n ou encore sur Art de Rue de Fonky Familly.

Ensuite dans le fond, l’album est définitivement d’actualité. Conscients des inégalités qui existent dans la société, ils délivrent un message positif, de réussite acquise à la sueur du front et de poésie détournée. Les morceaux les plus marquants sont  d’abord  Jean François. Ce morceau  dont on suppose sans trop de risques qu’il est destiné à Jean-François Copé, traite du climat délétère qui règne en France. Entre suspicion, injustice et phrases maladroites, le groupe tire à feu nourri sur les politiques. Puis, vient en dernière position ,le morceau Un dernier coup d’éclat. Il vient clôturer et bonifier tout l’album. La longue intro de ce  morceau  retrace tous les  succès et trophées d’IAM remis durant les vingt dernières années. Akhenathon et Shurik’n y font l’apologie de leur rap : « Pour cet art brut, fils des bas fonds, poésie de ces temps résistant au vent violent ».  Et enfin Akhenaton de conclure : « En ces temps de très agités, que cette  victoire  soit une parcelle ajoutée aux  victoires éternelles de  la musique contre les défaites quotidiennes de l’humanité ».

Cet album est donc une franche réussite musicale qui, espérons-le, permettra aux jeunes générations de se souvenir de ce qu’est réellement  le rap ; pas forcément un  concours de la plus belle voiture et du plus grand nombre de billets utilisés dans les clips et dans les lyrics actuels. Art Martiens est sans  conteste un des albums phares du rap français. Qui viendra s’inscrire au panthéon des grands albums, y rejoignant Mauvais Oeil  de  Lunatic, Opéra Puccino  du  grand Oxmo ou  encore L’Ecole  du Micro d’argent d’IAM.

Thibault Privé