Ils sont quasiment 900 000, mais seuls la moitié d’entre eux sont vraiment actifs. Les auto-entrepreneurs sont visés par un projet de loi préparé par Sylvia Pinel, la ministre de l’Artisanat. Le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 21 août 2013 suscite déjà un vent de polémique. Les intéressés voient une tentative de restreindre leur activité.
- L’auto-entreprise : qu’est-ce que c’est ?
Le statut d’auto-entrepreneur est créé en 2009 par Hervé Novelli, alors secrétaire d’État chargé du Commerce, de l’Artisanat et des PME. Il permet à quiconque de créer rapidement son entreprise en ligne. Les démarches administratives liées à la création d’entreprise sont simplifiées, et il n’y a aucun frais de constitution. Ces frais sont souvent importants alors que l’entreprise n’a pas réalisé son premier euro de chiffre d’affaires. Le but affiché à l’époque était de promouvoir et faciliter la création d’entreprises, de permettre un complément de revenus. Il permettait aussi d’inciter les personnes qui travaillent au noir à déclarer leur activité, de permettre à des chômeurs ou à des retraités de lancer leur propre activité. Les modalités de calcul des impôts et cotisations sociales sont le premier intérêt de l’auto-entreprise puisqu’elles reposent uniquement sur l’application d’un pourcentage au chiffre d’affaires réalisé.
- Un statut qui pose problème
Il reste que le statut pose beaucoup de problèmes. Aux artisans et aux entreprises individuelles d’abord, qui s’estiment victimes de distorsions de concurrence par les auto-entrepreneurs. Le but affiché de la réforme est de « pérenniser le régime des auto-entrepreneurs pour en faire une véritable passerelle vers le développement de l’entreprise individuelle, tout en maintenant le régime pour les activités complémentaires. » Le statut a par ailleurs permis le développement d’un « salariat déguisé ». Certains chefs d’entreprise demandent à leurs salariés de se déclarer en auto-entrepreneurs. Le patron devient alors son client, ce qui lui permet de déroger au paiement de cotisations sociales patronales et au droit du travail. Selon la ministre Sylvia Pinel, rendre les conditions du statut moins intéressantes sans le casser permettrait de résoudre ces situations.
- Les critiques soulevées par la réforme proposée
Le projet de loi prévoit de durcir la seule limite du statut : la limite de chiffre d’affaires (81 500 € pour les activités commerciales et 32 600 € pour les prestations de services). Lorsque cette limite est franchie, l’auto-entrepreneur est prié de constituer une société « classique » (EIRL, SARL ou SA par exemple). Les premières discussions en juin entre Mme Pinel et le Premier ministre faisaient état d’un abaissement du seuil à 19 000 € pour les prestations de services. Un « suicide forcé des auto-entrepreneurs » clamait l’UMP par communiqué à l’époque. Finalement, le projet de loi prévoit que les seuils seront fixés par décret. Les Poussins, ces auto-entrepreneurs qui, comme les Pigeons, se sont rassemblés pour défendre leur statut, voient dans cette annonce un « premier signal positif ». Ils déplorent notamment le fait que le gouvernement ne prend pas en compte les conclusions d’un rapport de l’IGAS (l’Inspection Générale des Affaires Sociales) et de l’IGF (l’Inspection Générale des Finances). Publié en avril, ce rapport relativisait les accusations portées aux auto-entrepreneurs. Le texte de loi n’entrera pas en discussion parlementaire avant 2014, le temps d’une mission parlementaire dirigée par le député socialiste Laurent Grandguillaume sur l’harmonisation et la simplification des régimes de l’entreprise individuelle.
Marvin Nsombi