L’adoption d’enfants français et étrangers est en crise. Les parents cherchant à adopter restent supérieurs au nombre d’enfants adoptables, qui diminuent au fil des années à cause de procédures lourdes et de difficultés politiques. Avec un budget de 6 millions d’euros consacré à l’adoption internationale et de 89 000 euros à l’adoption nationale, les moyens alloués par l’État demeurent inégalitaires et insuffisants d’après les professionnels.

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Connaissant des difficultés pour adopter en France, certains décident de se tourner vers l’étranger pour entreprendre des démarches d’adoption.
Crédit : Licence CC – Michiel van Drunen

 

Dans un plaidoyer pour l’adoption nationale, Sandrine Dekens, en charge de l’association Enfants en recherche de famille, et cinq autres professionnels ont lancé un appel aux pouvoirs publics. Selon eux, très peu d’enfants seraient adoptés à l’échelle nationale.

Des enfants pas réellement adoptables

En France, environ 150 000 enfants sont placés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), soit en famille d’accueil, soit en établissement spécialisé. Au cours du placement, trois cas de figure se présentent : certains maintiennent un lien avec leurs parents et retournent vivre dans leur famille après un placement provisoire. Pour d’autres, les défaillances familiales durables sont suivies par une prise en charge durant toute la minorité à l’ASE. Enfin, certains voient la présence des parents disparaître totalement ; c’est ce qu’on appelle « le délaissement parental des enfants placés ».

Malgré cette réalité, le statut de pupille de l’État nécessaire à l’adoption n’est que peu utilisé. Les professionnels de la protection de l’enfance sont prioritairement formés pour travailler sur le lien avec les parents. La justice est encore frileuse à favoriser les requêtes permettant l’acquisition du statut, car les tribunaux demeurent peu favorables à la rupture des liens. Les articles 350 et 378 du code civil offrent des possibilités d’actions pour déclarer l’abandon de l’enfant mais culturellement, le lien du sang étant encore privilégié, ils ne sont que peu appliqués.

D’après le plaidoyer, environ 150 000 enfants sont placés à l’ASE et jusqu’à 15 000 d’entre eux sont totalement délaissés par leurs parents. Pourtant, seuls 761 enfants, pupilles de l’État, ont été adoptés face au nombre important des 22 747 couples ou personnes agréés en attente d’adoption en décembre 2011.

L’adoption internationale recule

Le nombre d’enfants étrangers adoptés ne cesse de diminuer au fil des années, excepté une ponctuelle hausse en 2010 à cause du tremblement de terre en Haïti. Si ce nombre était de 3 166 en 2007 par exemple, il atteint en 2012 les 1 569 enfants.

Cette baisse, qui concerne tous les pays du monde, s’explique par de nombreuses raisons. La première et principale d’entre elles est que, dans l’intérêt des enfants, de plus en plus de pays ont ratifié la convention de La Haye. Celle-ci stipule notamment que les enfants doivent être élevés dans leur famille d’origine ou adoptés dans leur propre pays en priorité. Une convention que Haïti, dernier signataire en date, a ratifié le 29 août dernier.

De plus, les pays en voie de développement tendent aujourd’hui davantage à aider les familles à élever leurs enfants. Ces pays fixent eux-même leurs propres critères d’adoption en les rendant plus sévères (âge des adoptants, nombre d’années de mariage). Beaucoup refusent l’adoption individuelle, exigeant de passer par une association agréée ou par l’Agence française de l’adoption (AFA). Les délais d’attente sont aussi de plus en plus longs : 4 ans en moyenne

De nombreux pays refusent par ailleurs l’adoption par des personnes homosexuelles. La Russie a voté en décembre 2012 l’interdiction des démarches pour les couples homosexuels et pour les célibataires, de peur que ces derniers ne cachent des demandes de couples de même sexe. Une décision aux conséquences très lourdes, car la Russie a été le premier pays de provenance des enfants adoptés en 2011.

Des décisions politiques freinent également l’adoption comme celle du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité de la République Démocratique du Congo, le 25 septembre 2013. Il a annoncé la suspension, pour une période de 12 mois, de toutes opérations liées à l’adoption internationale et aux autorisations de sortie des enfants mineurs adoptés afin de vérifier la situation post-adoption des enfants.

Le profil des enfants confiés à l’adoption internationale a également changé. Jusqu’en 2006, il était encore possible d’adopter des enfants assez jeunes. Aujourd’hui, la plupart des pays font adopter les bébés en bonne santé chez eux et proposent à l’adoption internationale des enfants plus grands et ayant des besoins spécifiques, c’est-à-dire des enfants malades ou handicapés. De quoi créer encore davantage d’incompréhension autour de ce sujet.

Yonathan Van der Voort