Avenir Solidaire, pour « une démocratie citoyenne et une économie à dimension humaine »
Par David Bolton | 29 Oct, 2015 • 07:56 Pas de commentaireLe paysage politique français est bien plus riche qu’on ne le pense. Nous sommes allés à la rencontre de membres de groupes politiques dont les médias rendent rarement, sinon jamais, compte. Récemment, ParlonsInfo a pu rencontrer Gérard Privat, président de la formation politique Avenir Solidaire.
Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de Gérard Privat. Pourtant, il s’était porté candidat aux élections présidentielles de 2012, pour le compte de sa formation politique Avenir Solidaire. Mais, comme de nombreux autres candidats, il n’avait pas réussi à obtenir les 500 signatures nécessaires pour se présenter devant les électeurs, et ce dans une indifférence médiatique quasi-totale. « Pour les présidentielles, j’ai été interviewé par Ouest France, une interview de trois quarts d’heure… J’ai eu dix lignes sur une colonne en bas de page« , précise-t-il.
Entre indifférence médiatique et difficulté à trouver des membres réellement actifs
L’indifférence médiatique n’est malheureusement pas le seule problème auxquels sont confrontés les micro-partis. Au cours de notre discussion, Gérard Privat en détaillera d’autres. Ce natif de Lisle-sur-Tarn, fils d’un « des résistants de la toute première heure« , et né en 1944 « dans une famille modeste« , a eu une formation professionnelle et a exercé différents métiers, de l’artisanat à des activités de conseil avant de se tourner peu à peu vers la politique. Élu conseiller municipal d’opposition en 1995, il devient ensuite adjoint quatre ans plus tard : « j’ai découvert là qu’en faisant partie de l’exécutif, j’avais moins de pouvoir qu’en étant dans l’opposition. » « Le maire souhaitait me voir lui succéder », précise-t-il, « mais il y a eu des compromissions pas très honnêtes avec les socialistes qui ne souhaitaient pas me voir prendre la mairie. »
Gérard Privat se retire alors de la vie politique locale et en profite pour publier son premier livre Le Partage en 2002. Il lance ensuite, en 2004, Avenir Solidaire dont il devient le président. Au lancement, ils étaient « en gros une soixantaine de personnes », « de tous horizons » mais « rapidement, ça s’est étiolé. » Aujourd’hui, il dénombre moins d’une dizaine de membres effectivement très actifs. « Par contre, on a des centaines de sympathisants […] et on serait pas loin de pouvoir dire qu’il y en a des milliers. »
Une des raisons de cette distinction entre membres actifs et sympathisants réside dans la difficulté qu’éprouve le mouvement pour trouver des personnes prêtes à s’engager réellement. Le fondateur du parti l’admet volontiers : « c’est un engagement qui exige vraiment de la disponibilité, du courage. Il y a plus de coups à prendre qu’à donner. » Et il n’hésite pas à se laisser à une autocritique. « Il y a encore quelque chose que je n’ai pas su faire fonctionner. » Interrogé quant à la possibilité de faire participer plus de jeunes, Gérard Privat explique que « les jeunes comprennent la démarche d’Avenir Solidaire mais ils sont tellement réticents par rapport à la politique. Je n’ai pas envie de les leurrer. »
A l’indifférence médiatique et à la difficulté de trouver des membres réellement investis dans le projet s’ajoute aussi l’éloignement géographique du président du parti part rapport à la capitale. « Si j’habitais à Paris, je rencontrerais du monde, ça irait. »
Rencontrer du monde, c’est un autre enjeu indéniable pour Gérard Privat. Dès son apparition, le but d’Avenir Solidaire n’était pas forcément d’arriver au pouvoir mais de « porter un projet que d’autres auraient pu reprendre. L’invitation tient toujours depuis le début. »
Cette invitation à l’intention des responsables politiques, quel que soit leur parti, le président d’Avenir Solidaire la réaffirme :
Ces idées vous plaisent? Prenez-les, mettez-les en place. Si vous voulez qu’on s’associe, cela serait quand même porteur […] mais si vous voulez le faire seuls, faites-le. Mais dans ce cas, je crains que vous n’ayez pas le courage d’aller jusqu’au bout.
Gérard Privat a d’ailleurs cherché à entrer en contact avec des hommes politiques comme François Bayrou et Dominique de Villepin, « mais la porte [de ce dernier] était verrouillée par son entourage. »
Un programme prônant une véritable démocratie citoyenne et plus de justice sociale
Gérard Privat est fier du projet d’Avenir Solidaire, qu’il décrit comme « un projet abouti qui est le résultat d’une réflexion de plus de trente ans« . Il développe et défend ses idées sur le site du parti mais aussi dans un livre publié en 2014 en autoédition, Construisons la nouvelle société !.
Pour le président d’Avenir Solidaire, la richesse est avant tout fondée sur « l’épanouissement humain » et « l’harmonie sociale« . Il prône aussi une forme de démocratie qui redonne plus de pouvoir aux citoyens :
Pour nous, le pouvoir est au niveau du terrain.
C’est d’ailleurs sur ce modèle qu’est construit le mouvement politique qu’il a fondé, et dont le but est de regrouper des associations structurées en trois niveaux : local, départemental et national. L’association nationale n’a pas pour vocation de diriger mais de synthétiser les idées qui remontent des différentes associations locales par le biais des associations nationales.
Il souhaite en outre « une justice indépendante, c’est-à-dire qui aurait un budget autonome » ainsi qu’un « un garde des sceaux élu« , qui, à l’instar des autres dirigeants politiques, verrait son action contrôlée par « de véritables référendums d’initiative citoyenne. » Questionné sur un risque d’instabilité politique qui pourrait être engendrée par le recours répété à des élections de mi-mandat venant sanctionner les actions politiques, Gérard Privat reste confiant : « aucun risque. Le peuple a une certaine constance […] Lorsque les élus se conformeront à leur programme, ils resteront en place. » Outre la justice, les médias ont aussi un rôle important à jouer. Promettant des « aides aux médias plus faciles« , il met cependant en garde face au danger du monopole médiatique, qui serait interdit. En effet, « il n’y a plus de liberté médiatique dès lors qu’il y a un groupe« .
Une grande partie du programme d’Avenir Solidaire tourne autour de l’économie qui doit être dirigée par la politique. Gérard Privat préconise une (re)nationalisation de ‘ »tout ce qui est monopole, tout ce qui est financier » ainsi qu’un retour à la « planification de style planification française. »
L’économie est, et doit rester, une stratégie de la politique.
Si le fondateur d’Avenir Solidaire est très critique de la loi Macron – « le couteau suisse de l’économie libérale en perte de vitesse et en perdition pour démanteler ce qui reste encore d’acquis sociaux » -, il n’est pas contre le libéralisme « cohérent ». Il propose même, outre l’instauration d’un « revenu vital » pour tous – minoré pour les enfants et majoré pour les personnes âgées ou handicapées -, la suppression de la TVA ainsi que de les « charges sur salaire« , qu’il décrit comme « un gaspillage d’énergie » pour les entrepreneurs.
Je suis pour la simplification, pour libérer.
Ces différentes mesures seraient financées grâce aux profits des entreprises nationales, « un impôt sur le revenu avec des tranches plus étendues qui permettraient que les riches paient plus d’impôts » et la « création monétaire » sous forme d’un emprunt à la banque nationale, processus que Gérard Privat différencie de la « planche à billets », car des retraits de monnaie pourraient aussi être envisagés à des fins de régulation.
Pour une « Europe des peuples » et une sortie de l’OTAN
Le projet que défend Gérard Privat ne se limite pas à la simple situation française mais intègre aussi une vision de l’Europe. Il propose une réforme en profondeur du fonctionnement politique européen, « en finir avec l’Europe de Maastricht et de Rome » et revenir sur le traité de Lisbonne.
Je veux une Europe confédérale, je veux l’Europe des nations, je veux l’Europe des peuples, avec l’euro comme monnaie commune et non pas comme monnaie unique.
Ce n’est pas que le président d’Avenir Solidaire soit contre l’euro ou même un fédéralisme européen, mais il estime qu’ils ont été « mal pensé[s] », que « jamais, on n’aurait dû mettre une monnaie unique avant de créer une structure politique solide. » Il prône une Europe confédérale, dans laquelle les peuples s’exprimeraient par référendum, avant de constituer petit à petit un parlement européen « mais à la dimension voulue par les peuples« , pour aboutir à une « Europe des peuples » dont la capitale serait Paris.
Gérard Privat souhaite aussi que la France rompe avec l’OTAN. Celui qui soupçonne les attentats du 11 septembre d’avoir été organisés par « par des organismes parallèles qui sont très liés au Pentagone et à des organismes de sécurité américains » est très critique de la politique extérieure américaine et par extension occidentale. « Daesh, c’est nous qui l’avons créé. » Il remercie d’ailleurs Vladimir Poutine « d’avoir empêché les Occidentaux d’envahir la Syrie. » Selon lui, c’est du conflit israélo-palestinien que « que proviendra la troisième guerre mondiale, s’il y en a une« , impliquant les grandes puissances que sont les États-Unis, la Russie mais aussi la Chine.
Gérard Privat estime que la source est la même pour le terrorisme et les migrations massives qui font actuellement les gros titres de la presse : la pauvreté. Il estime qu’il faut « aider les pays pauvres à leur propre développement » et y créer de la richesse. Il conçoit d’ailleurs le programme d’Avenir Solidaire comme un programme politique pouvant s’exporter dans de nombreux autres pays.
Les perspectives d’Avenir Solidaire
Une chose est certaine, Gérard Privat reste optimiste et confiant. Il estime que si Avenir Solidaire arrive à générer un nombre suffisant d’associations locales et départementales, un développement rapide est possible. D’autant plus qu’ « il y a un potentiel énorme quand on sait qu’en gros, il y a 50 à 60% d’abstentionnistes, c’est-à-dire de personnes qui sont désespérées de la politique. »
Le fondateur d’Avenir Solidaire est aussi prêt à être plus qu’un simple « groupe de réflexion », « l’idée est d’assumer la responsabilité du pouvoir. » Avec une équipe solide, il s’estime à peu près certain d’obtenir les cinq cent signatures nécessaires pour se présenter devant les électeurs en 2017.
Je serai candidat, non pas seulement candidat à la candidature.
Une telle candidature aura un avantage indéniable aux yeux de Gérard Privat : « les médias, qu’ils le veuillent ou non, devront [lui] accorder un temps de parole. » Par contre, ne comptez pas sur lui pour choisir entre François Hollande, Nicolas Sarkozy ou Marine Le Pen, qu’il renvoie dos à dos : si le second tour se joue entre deux d’entre eux, « j’appellerai les Français à voter blanc ».
Quoi qu’il arrive, Gérard Privat ne se laisse pas abattre et croit en son projet : « Je suis intimement persuadé que dans dix-vingt ans, Avenir solidaire va exister et sera solidement implanté en France, et peut-être aussi dans d’autres pays. »
David Bolton