Près de deux mois après les attentats de Paris, l’heure est au bilan : la menace terroriste a-t-elle eu raison de la bonne humeur et de la chaleur réputées des habitants de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie ? Les répercussions de ces terribles événements ont-ils été importants, en particulier en ce qui concerne la culture, et ce d’autant plus pendant cette période de fête ?
L’actualité récente a effectivement entraîné une prise de conscience nationale du risque terroriste. Si les habitants de Paris ont pu manifester leur résistance face à la violence et à la barbarie en ne cédant pas à la terreur, il semble que la mobilisation ait été la même à l’échelle régionale. Toutefois, mobilisation ne rime pas avec inconscience, mais plutôt avec précaution. Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie aussi, la sécurité a été renforcée et des mesures exceptionnelles ont été prises au lendemain des attentats parisiens. De nombreux événements culturels et autres rassemblements ont ainsi été annulés, tels que certains spectacles prévus par Lille3000, un programme culturel organisé par l’Eurométropole lilloise, sur la thématique de la « Renaissance » en cette année 2015, plus particulièrement le week-end suivant la tragédie.
Si les annulations culturelles se sont succédées (le concert de Maître Gims au Zénith de Lille, certaines représentations du cirque Arlette-Gruss…), d’autres manifestations n’ont pas souhaité céder à la terreur mais ont plutôt voulu, à leur manière, rendre hommage en opposant la culture à la barbarie. C’est par exemple le cas de l’annuel Arras Film Festival qui s’est poursuivi à la demande des organisateurs et après l’approbation des autorités. Deux jours plus tôt, le festival avait même projeté l’émouvant documentaire intitulé « Humour à Mort » sur les attentats contre le journal satirique Charlie Hebdo en présence des réalisateurs. Par mesure de précaution, la sécurité y avait déjà été renforcée. Le musée du Louvre-Lens était aussi resté ouvert le week-end du 14 et du 15 novembre 2015, sous haute surveillance. La célèbre citation de Renaud Donnedieu de Vabres semble alors ici trouver son plus bel écho : « (…) la culture est un antidote à la violence, car elle nous invite à la compréhension d’autrui et féconde la tolérance, en nous incitant à partir à la rencontre d’autres imaginaires et d’autres cultures ». Une citation qu’illustre parfaitement la 4ème thématique de Lille3000, « Renaissance », qui présente la vitalité du monde d’aujourd’hui, l’ouverture sur le monde, les échanges artistiques et technologiques.
Suite à la prolongation de l’état d’urgence jusqu’à fin février, d’autres manifestations culturelles et populaires du Nord Pas de Calais ont été remises en question, comme les festivités annuelles du Carnaval de Dunkerque. Dans les jours qui suivirent les attentats, le Maire de Dunkerque, en accord avec le Sous-Préfet, n’a pas souhaité annuler la grande manifestation locale qui anime chaque année la ville de bord de mer. Selon le maire et le conseil municipal, cela s’avérait effectivement contraire à l’esprit de résistance qui a suivi ces actes terroristes, et cela revenait à nier les mesures de sécurité mises en place par les institutions de la République. Des mesures de sécurité supplémentaires ont cependant été prises par la ville de Dunkerque dans le cadre de nombreuses manifestations culturelles. Mais le cas du Carnaval reste du ressort de l’État car il s’agit d’un rassemblement historique et populaire d’envergure nationale et internationale, ce qui pourrait en faire une cible privilégiée. Pour le moment, le Préfet du Nord n’a pas imposé l’annulation des festivités aux Dunkerquois mais a demandé aux organisateurs de lui soumettre leurs propositions. Si le maire de Dunkerque, les organisateurs du Carnaval et le Préfet semblent être d’accord concernant le maintien de cette grande manifestation populaire, c’est aussi parce que même si une annulation venait à être prononcée, cela n’empêcherait pas les Dunkerquois à descendre dans les rues, comme ce fut le cas en 1991. Afin d’assurer la sécurité des carnavaleux, les mesures suivantes ont été proposées au Préfet : modification des bandes pour l’édition 2016 incluant périmètres de sécurité restreints et interdiction du stationnement ou de la circulation des véhicules, renforcement des palpations et des fouilles à l’entrée des lieux phares du Carnaval, dispositif d’évacuation d’urgence, déploiement supplémentaire d’agents de sécurité (103 agents supplémentaires sur Dunkerque-centre, 18 en basse ville, 37 en citadelle, 110 à Malo-les-Bains par exemple…) et installation de sept caméras nomades de vidéo protection. C’est maintenant au Préfet de confirmer le maintien du Carnaval 2016 dans les jours à venir et de transmettre le dispositif exceptionnel mis en œuvre par les services de l’État.
De même, les zones qui méritaient et méritent toujours le plus d’attention sont les zones urbaines, surtout à l’approche de Noël, avec l’installation des splendides marchés de Noël. Mathieu, qui s’occupe de la billetterie de la grande roue sur le marché de Noël de Lille, a effectivement ressenti l’impact des attentats de Paris sur sa fréquentation par rapport aux années précédentes mais précise : « Cela concerne surtout les premiers jours qui ont suivi les attentats, et ça va aussi certainement de pair avec les conditions climatiques, qui n’ont pas spécialement joué en notre faveur ces derniers temps ». Les visiteurs ont donc eu d’abord du mal à affluer dans le centre ville de Lille, alors même qu’une sécurité particulière avait été mise en place, avec la présence de forces de police et de personnels spécialisés dans la sécurité. La fréquentation a ensuite au fur et à mesure augmenté, tout comme sur le marché de Noël de la ville d’Arras, les français cherchant maintenant « à tourner la page », « à se détendre » selon Mathieu. Sur les marché de Noël de Lille et d’Arras, des visiteurs se félicitent de leur présence comme étant « un acte de résistance », « un certain hommage aux victimes » même si d’autres s’inquiètent et prônent l’auto-vigilance.
Pas plus tard que samedi 19 décembre, Lille accueillait les Miss France en son Zénith, et célébrait la nouvelle Miss France 2016, Iris Mittenaere (Miss Nord-Pas-de-Calais) qui succède à Camille Cerf (Miss France 2015, et également Miss Nord-Pas-de-Calais). Si la sécurité avait bien été renforcée (comme tout autre spectacle depuis ce funeste vendredi 13), aucun incident n’était à déplorer car seules des explosions de joie avaient alors pu emplir le Zénith ce soir-là.
Marie Delattre