L’Alliance Écologiste Indépendante, un mouvement qui résiste malgré la pénurie médiatique et la politique partisane. Rencontre avec Jean-Marc Governatori, co-secrétaire de l’AEI.
»Il faut passer d’une société de consommation à une société de coopération », c’est le principal message de Jean-Marc Governatori, co-secrétaire de l’Alliance Écologiste Indépendante (AEI). Avec un résultat de 4% aux régionales de 2015, malgré une absence médiatique importante, l’AEI se positionne, au-delà du clivage partisan, comme la révélation d’une vérité politique nécessaire au remaniement mélioratif de notre société. En tant que porte parole, M.Governatori affirme que désormais le parti va »passer un cap ».
Compte tenu de la place que prend l’écologie en politique, comment expliquez-vous la pénurie de médiatisation autour de votre mouvement ?
D’une part, nous sommes en concurrence avec un vieux parti écologiste (ou plutôt dit »écologiste ») qui sont les Verts. Pendant un certain temps les journalistes ont choisi les Verts pour porter la cause écologique. Il existe beaucoup de partis conventionnels et les journalistes restent sur ces partis conventionnels. Or, nous sommes très non-conventionnels, de plus on se positionne au-delà du clivage droite gauche. Ainsi, il n’y a pas de journalistes pour le type de partis comme le nôtre. Les journalistes sont soit classés à gauche soit classés à droite. Il n’y a pas de journalistes pour s’occuper des partis qui vont au-delà du clivage droite/gauche.
Que faut-il faire, selon vous, pour pallier à ce manque de médiatisation à votre égard ?
Il faut du temps ! On a passé un cap grâce aux régionales où nos listes ont fait une moyenne de 4% sans les médias. Par exemple, lors de ma candidature en région PACA, j’avais 900 moins de présence audiovisuelle que mes concurrents.
Le fait que l’on se place au-delà du clivage partisan, les quelques pour-cents que nous représentons sont déterminants pour une élection à deux tours. Ainsi, je pense que l’on va intéresser de plus en plus les médias. On a fait des miracles sans médias. Mais je pense que désormais nous allons passer un cap.
Vous vous revendiquez comme un mouvement politique qui ignore le clivage partisan. Mais croyez-vous que la politique peut exister sans ce clivage droite-gauche ?
Même si nous préférons l’appellation de mouvement politique, nous sommes un parti politique. Le 10e de France d’ailleurs sur 300.
On ne se pose pas la question de savoir si ça plait ou ça ne plaît pas. Car on pense qu’aller au-delà du clivage partisan c’est ce qui est juste car c’est moins diviseur.
Vous n’êtes donc ni de droite ni de gauche ?
Nous sommes pour le bon sens et l’action. Ce qui nous guide, ce n’est pas l’idéologie du 20e siècle.
À travers quelles actions agissez-vous ?
Nous sommes un parti politique, on est là pour se présenter à des élections. On rassemble des personnes de terrain qui agissent avec leurs associations, leurs entreprises, leurs sports…On rassemble des gens de talents dans toute la France. Par exemple, en 2012, on a eu accès aux financements publics tandis qu’un grand nombre de partis n’y ont pas accès. Donc, nous sommes dans le vrai, le concret et malgré l’absence médiatique, pour l’instant, je pense qu’on est vraiment l’alternative crédible pour nos concitoyens.
Vous dites que les Verts ne sont pas de vrais écologistes, pourquoi ?
Ils sont en situation de pouvoir depuis vingt ans. Et cependant, la situation écologique de notre pays est un vrai désastre : 3% de terrains bio, donc 97% de terrains chimiques. La majorité des nappes phréatiques sont polluées, un air qui tue chaque jour un bataclan (40 000 personnes meurent chaque année à cause de la pollution de l’air selon le ministère de santé). C’est inacceptable comme situation.
Quelle est votre vision d’un idéal politique ?
C’est une politique qui dit la vérité aux français en leur faisant comprendre qu’ils sont les premiers responsables. C’est le citoyen qui est responsable de son vote.
Nous on veut une France paysanne, nos concurrents veulent une France industrielle. Nous, on pense que la vérité c’est la terre. Donc, notre vision c’est une France paysanne. Un pays où sont développés la coopération, le troc. On croit beaucoup en l’économie de l’échange.
Selon vous, c’est donc le citoyen qui construit son idéal politique ?
Oui. Pour cela, il est important que les français s’intéressent à la politique et à ses propositions.
Ne pensez-vous pas qu’il sera difficile de passer brutalement d’une société de consommation à une société d’échange, de coopération ?
Il n’est pas question de passer brutalement de l’une à l’autre. Bien sûr, il faudra dix, vingt, trente ans. Mais d’abord, il faut exprimer la voie puis se donner les moyens de la réaliser et il faut du temps.
Que pensez-vous du passage d’Emmanuelle Cosse au gouvernement ?
C’est trop facile de tirer dessus quoi ! Effectivement, ce n’est peut être pas une décision très juste, dans le sens où elle n’aurait pas informé son parti politique et qu’elle l’aurait fait sans l’accord de celui-ci. Ainsi, cette décision me paraît critiquable. Maintenant, c’est facile de critiquer. Est-ce que ceux qui n’y sont pas allés valent mieux qu’elle ? Je ne sais pas. En tous les cas, nous, on n’aurait pas fait comme ça.
Vous présentez-vous aux élections présidentielles ?
En 2017, on présentera un candidat de l’autorité nationale. On a plusieurs options, on réfléchit encore quant à la compatibilité programmatique.
Mais pourquoi pas vous ?
Car je ne suis pas assez connu.
Si vous êtes élu président, quelles mesures prendriez-vous tout de suite après votre élection ?
La première c’est de passer devant tous les médias pour expliquer aux citoyens la situation dans notre pays en deux temps. D’abord, en termes économiques, en se référant notamment au compteur de la dette en France qui affiche sur Internet : 100 000 euros par minute. Puis en termes écologiques, à savoir véhiculer une prise de conscience : au-delà du fait qu’on in-fertilise les terres à force de les gaver d’ingrédients chimiques, il faut savoir que, chaque jour, on pollue des millions de mètres cube d’air et des millions de mètres cube d’eau et c’est très très grave.
Donc en premier lieu, faire le bilan de ce qui se passe. Puis, évoquer les autres problèmes en termes de chômage de masse, de maladies évitables, de décès prématurés… On dit aux français ce qui se passe, et on explique que ça ne peut continuer comme ça.
Ensuite, expliquer les mesures à prendre : notamment un passage d’une société de consommation à une société de coopération. Et l’AEI est porteuse de 300 solutions pour cela, entre autre, réduire la pub (ne pas fabriquer un défaut de besoin chez les individus), en matière de chômage choisir d’indemniser contre une activité d’intérêt général. Je pense qu’être pour la dégressivité des allocations chômages ce n’est pas juste. Il faut également rechercher les terres abandonnées, pour les proposer à des paysans volontaires que l’on peut former.
Que pensez-vous de ce qui se passe à Notre Dame des Landes ?
Nous y sommes totalement défavorables. C’est une offense à l’intelligence et à la conscience. La terre c’est sacré, c’est ce qui vous fait manger, vous, moi et ceux qu’on aime. Nous n’avons pas le droit d’artificialiser les terres. Nous sommes défavorables à toute construction.
Quelle est votre politique économique ?
D’abord, nous voulons interdire toute création (et extension) de grandes surfaces dans le but de réduire la société de consommation. Mais nous tenons également à favoriser tout ce qui est micro projet (de 1000 à 15 000 euros) et à créer une économie paysanne pour favoriser les AMAP (associations pour le maintien de l’agriculture paysanne).
Que pensez-vous de la situation des agriculteurs ? Quelles solutions proposeriez-vous ?
Les agriculteurs sont à la fois victimes et acteurs d’un système productiviste. On vit dans un monde de compétition incompatible avec le genre humain. Il faut sortir de l’agriculture industrielle qui est un génocide.
LAMY Yasmine