Depuis quelques mois, le virus zika fait de plus en plus parler de lui. Si La Réunion n’est pas encore touchée, des mesures sont déjà prises pour limiter les risques d’une propagation de l’épidémie sur l’île.
Le virus zika : qu’est ce que c’est ?
Cet arbovirus de transmission vectorielle fait actuellement frémir le monde sanitaire. Il est propagé chez les hommes par le biais du moustique (notamment le moustique tigre), qui après s’être imprégné du sang contaminé d’une personne atteinte du virus, va le transmettre à une autre en la piquant. A travers ce mode opératoire, la maladie peut devenir très vite épidémique, dans les zones où le climat et les conditions favorisent la multiplication des moustiques (telles que le Brésil ou le Guatemala). Les personnes les plus vulnérables, notamment les femmes enceintes, ne sont pas à l’abri d’une simple piqûre de moustique.
Les symptômes du virus zika sont peu alarmants pour la plupart des personnes : souvent similaires à ceux d’une grippe (maux de tête, fatigue, douleurs articulaires, fièvre ou encore éruption cutanée), voire quasi-inexistants. Mais il peuvent s’avérer bien plus graves, même dévastateurs pour les plus fragiles, particulièrement les fœtus dans le ventre de leur mère. Les nombreux cas de nouveaux-nés affectés et les études scientifiques ont démontré un lien de causalité entre l’affection au virus zika et des malformations et anomalies sévères et irréversibles du système nerveux.
Si cette maladie ravage actuellement la vie de plusieurs familles de nouveaux nés, elle n’est cependant pas nouvelle. Le virus a été découvert pour la première fois en Ouganda en 1947. Cependant, il est difficile pour la communauté des chercheurs, d’expliquer une telle mutation des manifestations de la maladie, qui étaient jusqu’à présent bénins.
La Réunion et l’Océan Indien face au risque
Climat tropical, air à la fois chaud et humide et paysages arborescents, La Réunion est une niche parfaite pour la prolifération des moustiques. C’est le cas également de nombreux territoires de l’Océan Indien. Toutefois, le virus zika n’est heureusement pas présent à La Réunion. Mais en cette période de plein été austral, le risque d’épidémie est accru. Il n’est d’ailleurs pas rare que des arbovirus ravagent l’île. Chacun se souvient de la terrible épidémie de chikungunya de 2005 et 2006. Prise de cours, La Réunion connait une crise sanitaire sans précédent : le virus touche près de 40 % de la population.
Cousin du chikungunya, le zika est également transmissible par le moustique-tigre (aedes albopictus) qui est très présent dans l’Océan Indien. La menace d’une épidémie de zika à La Réunion est d’autant plus grande que le taux de natalité à l’île de La Réunion est très élevé par rapport à la moyenne nationale (soit 11,6 % contre 11,8 % en 2015).
Olivier REILHES, directeur adjoint de l’ARS O.I (Agence Régionale de Santé de l’Océan Indien) explique : « Actuellement il n’y a pas de cas de zika à La Réunion. Le virus n’est pas présent. Le risque porte sur les personnes qui voyageraient en provenance de zones à risques et contaminées et qui importeraient le virus, qui en seraient vecteurs. »
Pré-alerte sur l’île
A l’annonce de Marisol TOURAINE, (Ministre des Affaires sociales et de la Santé) sur France Info, qui recommandait « fortement aux femmes enceintes qui ont prévu d’aller en Guyane, en Martinique ou dans les territoires d’outre-mer » de « différer leur voyage » ; le Président de région de La Réunion, Didier ROBERT, réagit. Dans un communiqué il énonce : « S’il appartient aux autorités sanitaires de suivre avec une extrême vigilance l’évolution de cette épidémie qui touche actuellement la Martinique et la Guyane ainsi que la Polynésie française, il me semble indispensable que la transparence dans l’information s’accompagne de la plus grande exactitude concernant la localisation des foyers d’infections. »
Un cas de contamination a été recensé à La Réunion début mars. Un passager ayant séjourné en Martinique s’est rendu chez le médecin après l’apparition de plusieurs symptômes. Après examens sanguins immédiats, le diagnostic de zika a été confirmé. Selon l’ARS, principal organisme en charge des questions de santé, le nécessaire a été fait et « des opérations de démoustication aux alentours à titre de précaution » ont été réalisées. Après le départ de celui-ci peu de temps après, l’ARS insiste : « Actuellement il n’y a pas de cas de zika à La Réunion. Qu’on soit porteur du virus ou pas, s’il n’y a pas eu de piqûres de moustiques il n’y aura pas de propagation du virus ».
Un réseau de relais d’informations a été mis en place dans les domaines médicaux et sanitaires pour assurer un rapide diagnostique et une prise en charge des patients présentant des symptômes. « Si la présence du virus zika est vérifiée, explique O. REILHES, on demande à cette personne de bien se protéger des moustiques pendant au moins 10 jours suivant leur arrivée sur l’île. C’est ça qui protège La Réunion ». Une opération de communication préventive est également réalisée « essentiellement dans les aéroports de La Réunion ». A leur arrivée sur l’île, affiches et flyers d’informations et de sensibilisation sur « l’importance de se protéger des moustiques » accueillent les voyageurs. Faut-il encore que les passagers y soient attentifs, car si la maladie virale peut avoir de graves conséquences pour les fœtus, elle est souvent silencieuse chez les autres.
C’est justement sur cette caractéristique que s’appuie le conseiller départemental J.M VIRAPOULE, lors d’une séance plénière, en dénonçant, un « défaut d’action de prévention et de lutte contre la prolifération des moustiques, alors que les conditions climatiques sont particulièrement propices au développement des moustiques vecteurs de la maladie ». Si l’ARS avance que « les dispositifs mis en place sont proportionnés à la situation actuelle », des conseillers départementaux appellent à un « renforcement des moyens humains et matériels ». Ceci à travers « la mise en place d’un suivi personnalisé » se traduisant par une « consultation médicale obligatoire » des passagers arrivant sur l’île, en provenance de zones infectées.
« La Réunion a été pionnière en terme de recherche sur le zika. »
Si cette crise sanitaire et sociale a surpris et consterné une grande partie du globe, La Réunion est en pré-alerte « pour être prêt si le virus arrivait à La Réunion et non pas le subir » explique Philippe Desprès, responsable de l’antenne d’immunopathologie infectieuse en zone tropicale. Pré-alerte qui se traduit par le développement de recherches scientifiques intensives sur lesquelles les équipes de l’unité de recherche réunionnaise PIMIT (Processus Infectieux en Milieu Insulaire Tropical), en relation avec des centres de recherches nationaux et internationaux, y travaille depuis bien longtemps. P. DESPRES précise : « avant même que la lutte contre le virus ne prenne cette ampleur là, car avant le virus ne préoccupait personne. Nous ici, nous travaillions beaucoup sur lui et au développement d’un candidat vaccin. Il y a beaucoup d’autres projets maintenant, mais La Réunion a été pionnière en terme de recherche sur le zika ». Et si le virus n’est pas présent sur nos côtes, le risque lui l’est bien, de par l’insularité, rappelle P. DESPRES : « C’est une question qui nous concerne directement – c’est la différence de nos recherches avec la Métropole par exemple ».
Les laboratoires réunionnais sont aujourd’hui très avisés sur le sujet : «on connaît mieux le virus, on est capable de développer de nouveaux outils pour le diagnostiquer, de nouveaux vaccins et de nouvelles perspectives ».
Et ces recherches continuent à porter leurs fruits. La biodiversité naturelle de la Réunion pourrait se présenter comme un source curative pour les zones bouleversées et en proie à la maladie. En 2013, seize plantes médicinales réunionnaises aux remarquables vertus sont reconnues par la pharmacopée française. Selon le PIMIT « Il y a un fort potentiel dans ces plantes là, de trouver une substance qui pourrait prévenir l’infection par le zika ou le guérir ». Travaillant activement sur le projet avec ses équipes, il évoque «des pistes très intéressantes ». Arrivé il y a quelques années sur l’île, il insiste : « A La Réunion on peut faire de la recherche au niveau international, il y a tout ce qu’il faut ici, il y a énormément de potentiel ».
Bien qu’un fort besoin de financement allongeant la durée de ces recherches soit à déplorer, le virus zika est une priorité réunionnaise par rapport à un problème mondial. La Réunion pourrait, à travers la biodiversité de sa nature et l’expertise de ses chercheurs présenter un jour une réponse face à ce virus destructeur.
Mélissa GAJAHI