Edito – Le 1er décembre 2016, le président François Hollande a annoncé lors d’une courte allocution télévisée : « J’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle. » L’élection présidentielle de 2017 s’annonce historique.
En l’espace de quelques jours, ce sont trois personnalités politiques majeures de ces dernières décennies – un président en exercice, son prédécesseur et un ancien Premier ministre – qui sont sorties de la course à l’Élysée. Lâché par sa famille politique, sous pression de son Premier ministre affichant de plus en plus ouvertement des velléités de candidature, atteignant un taux d’impopularité record, François Hollande a fait preuve d’une grande lucidité en renonçant à une candidature à sa réélection, hanté certainement par la peur d’être celui qui provoquerait un nouveau « 21 avril ».
Comme Nicolas Sarkozy avant lui (par deux fois), François Hollande a su se montrer digne dans son discours de renoncement, mettant en avant les réussites de son bilan mais admettant certains retards, et n’exprimant qu’un seul regret : celui d’avoir proposé la déchéance de la nationalité. Se refusant à désigner un dauphin, il a simplement justifié sa décision par une volonté de penser à « l’intérêt supérieur du pays » et d’éviter une « dispersion de la gauche« , face aux candidatures de François Fillon – dont il accuse le programme de mettre en cause le modèle social sans bénéfices pour l’économie – et de l’extrême-droite qui appelle « au repli« .
A la toute fin de son mandat, François Hollande semble enfin avoir senti l’envie de changement de nombreux citoyens de ce pays, dans une période où de nombreuses démocraties voient les électeurs s’élever contre les représentants des élites politiques, contre celles et ceux qui sont aux manettes depuis des décennies. Il semble enfin avoir retrouvé son costume de président.
Ajouté à la surprise qu’ont constitués les résultats de la primaire de droite, cette décision du président de la République fait entrer le pays dans une nouvelle ère, peut-être celle d’un véritable changement politique. On sentait depuis quelques semaines que cette élection réserverait son lot de surprises mais elle se trouve plus ouverte que jamais.
Si on est déjà assuré des candidats des Républicains et du Front national et on a une idée plutôt précise de leurs programmes – un programme de droite conservatrice et économiquement libérale pour François Fillon, et celui habituel de protectionnisme et de repli sur soi de Marine Le Pen -, c’est dans l’espace allant de l’extrême-gauche au centre – ceux que François Hollande appelle « les progressistes » que tout peut se jouer.
Les différentes factions de gauche et du centre – y compris ceux qui se sont ralliés à François Fillon – ont montré depuis de nombreuses années une propension à se diviser, à faire parfois passer les aspirations personnelles devant l’intérêt général. Aujourd’hui encore, il y a presque autant de candidats écologistes et de gauche hors primaire que de participants à la primaire de la Belle Alliance populaire. Les centristes de l’UDI se déchirent, tandis que François Bayrou laisse planer la possibilité d’une nouvelle candidature, alors même qu’il est totalement esseulé politiquement.
La primaire de la droite et du centre avait été une réussite notamment parce que les candidats avaient – la plupart du temps – su élever un peu le débat, et concourir dignement. Espérons que cet exemple et celui de la dignité de François Hollande dans sa décision puissent inspirer une campagne électorale sérieuse, fondée sur un débat d’idées, sur des affrontements projet contre projet et non pas des luttes de personnalités. Dans une période charnière à l’échelle tant nationale, continentale et mondiale, il nous faut une campagne digne, dans laquelle les citoyens puissent enfin voter pour un véritable projet de société et non contre une personnalité clivante. Une campagne qui éviterait les combats d’égos, qui éviterait la course aux opinions favorables dans les sondages et les calculs politiciens qui en résultent.
Saluons les sorties dignes de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Hollande. Elles marquent peut-être l’avènement de ce que ce dernier avait promis il y a cinq ans : le changement.