Si les grandes surfaces restent pour beaucoup de consommateurs le lieu de prédilection pour faire les courses, des alternatives se développent. Des coopératives émergent dans toute la France, avec la volonté de rapprocher le consommateur du producteur en réduisant les intermédiaires, ce qui va de pair avec plus de traçabilité. Il est en effet souvent reproché à la grande distribution de ne pas être rigoureusement transparente sur l’origine des produits, d’autant qu’elle travaille avec des industriels : les pistes sont brouillées. En outre, l’une des critiques majeures faites aux grandes surfaces porte sur leurs marges. Ces dernières mènent une concurrence acharnée par les prix ce qui implique d’acheter les marchandises à bas prix, d’autant que par leur prépondérance sur le marché, elles ont un fort pouvoir de négociation. En effet, les quatre grands groupes (Carrefour, Auchan, Casino et Leclerc) représentent 90% de la distribution en France. Philippe Chalmin, économiste spécialiste du marché des matières premières, affirme que les marges brutes de la grande distribution sur les denrées alimentaires sont comprises en moyenne entre 30 et 50%.
Ces marges, ces chiffres d’affaires, semblent en décalage avec la situation des producteurs du secteur primaire. En effet, beaucoup d’agriculteurs français sont en difficulté actuellement, comme nous avons pu le voir notamment lors de la crise du lait, qui a éclaté avec la fin, en avril 2015, du système des quotas laitiers mis en place par la PAC. Les producteurs laitiers ont vivement protesté, allant jusqu’à déverser leur lait sur la route, affirmant qu’il leur coûtait plus cher à produire qu’il ne leur rapportait. Sur un litre de lait vendu 78 centimes en grandes surfaces, le producteur perçoit 26 centimes : le reste est partagé entre l’industrie (33 centimes) qui se charge de transporter puis transformer le lait, l’Etat (4 centimes) qui perçoit la TVA et le distributeur (15 centimes) qui offre le produit à la vente.
Certains consommateurs se tournent alors vers des alternatives locales. Les circuits courts permettent une meilleure traçabilité d’abord, mais également moins d’intermédiaires à rémunérer. En outre, la consommation locale est souvent associée à une meilleure qualité des produits : la concurrence se fait plus par la qualité. Il y a différentes alternatives aux supermarchés, notamment les petites surfaces tournées vers le local ou les coopératives, voire se fournir directement chez le producteur. C’est souvent une consommation « engagée » : Les P’tits Cageot, petit magasin bordelais proposant des marchandises locales (95% de leurs marchandises) ou issues de l’agriculture biologique et durable, considère ses clients comme des « consom’acteurs ». Plus encore, sur leur site, l’origine des produits est clairement affichée, pour répondre à une exigence de transparence : il est même possible de consulter la liste des 45 producteurs avec qui cette entreprise travaille.
En outre, certains consommateurs accordent une place plus importante à l’humain, et s’inquiètent des conditions de travail du producteur notamment. Or, ceci a un coût : à l’instar du bio, consommer local peut coûter un peu plus cher que de faire ses courses au supermarché le plus proche. En effet, la baisse du nombre d’intermédiaires ne compense pas toujours les économies d’échelle réalisées par les grandes surfaces qui commandent de plus grandes quantités. Néanmoins, certains consommateurs prennent tout de même le parti de passer par les circuits courts considérant que ce surcoût est largement compensé par la qualité des produits. D’autres alternatives se développent aussi, inspirées d’Outre-Atlantique : les supermarchés coopératifs et participatifs, comme la Louve à Paris depuis novembre 2016 ou Supercoop à Bordeaux. Le principe est simple : les clients donnent 3h de leur temps par mois pour faire tourner la boutique (caisse, mise en rayon, etc.). Ainsi, avec moins de personnel, des marges réduites et pas d’actionnaire, des économies importantes sont réalisées, ce qui permet à ces nouveaux magasins de proposer des prix attractifs.
Il semble ainsi que de plus en plus de consommateurs accordent de l’importance à la dimension éthique de leur consommation, dans une dimension environnementale : moins de transport, produits de saison… En effet, cette consommation locale et dans les circuits courts, implique de renoncer à consommer des fraises en hiver, et de respecter plus les saisons. En somme, il s’agit de suivre le cours de la nature plutôt que celui de ses envies, et de ne pas forcément être obnubilé uniquement par le prix de ce qu’il y a dans nos assiettes.
Mathilde Piriou-Guillaume