Timothée Augendre et Geoffroy Degouy, deux réalisateurs inséparables, nous reçoivent aux productions du Trésor. Ils ont réalisé le making of du film Populaire et nous livrent avec enthousiasme les clés de leur métier. Entretien.
Vous sentez-vous libre lorsque vous réalisez un making of ?
Oui, la plupart du temps car nous travaillons depuis un moment avec la même société de production (Trésor, NDLR). Ils nous font confiance. Cependant, nous devons privilégier quand même certaines scènes du tournage. Par exemple, pour le film Populaire, on sait que le concours de vitesse dactylographique est très important. Nous filmons donc avec deux caméras pour ne rien manquer de cet événement.
Il faut aussi souligner que pour ce film, il y a eu certaines contraintes de la part du réalisateur (Régis Roinsard, NDLR). Par exemple, il y avait des effets spéciaux sur le tournage. Nous ne pouvions pas filmer la technique employée pour les réaliser afin de ne pas enlever une part de magie aux spectateurs. De plus, il ne souhaitait pas montrer les moments où il dirigeait ses acteurs.
Enfin, le réalisateur et le producteur ont un droit de regard dès que le montage du making of est terminé. Ils doivent valider notre travail.
Combien de temps vous faut-il pour le réaliser ?
Il nous a fallu à peu près huit mois car nous commençons à filmer deux mois avant le démarrage du tournage. On appelle cela la préparation du film : le réalisateur fait son casting, les repérages de décor, son plan de travail, choisit ses équipes… C’est la partie la plus intéressante pour nous. Ensuite, il y a le tournage du film qui dure quatre mois et enfin le montage qui nous a pris environ trois mois.
Faut-il couper beaucoup de scènes pour un making of ?
Oui. Nous avons une centaine d’heures de rushes et nous devons obtenir à la fin vingt-six minutes. C’est donc un énorme travail de montage. On commence sur des versions de quarante minutes et au fur et à mesure on réduit. Tu vois assez vite ce qui ne peut pas être monté. Sur les cent heures, on sait qu’il y a quarante heures dans lesquelles on va piocher des images. Le plus gros du travail est de trouver ce qui nous correspond dans ces quarante heures.
Comment êtes-vous payés ?
On est intermittents du spectacle donc on est payés en heures. Nous sommes aussi rémunérés en droits d’auteur. On peut vivre en faisant des making of mais ça prend beaucoup de temps. C’est étalé sur une très longue période donc il faut aussi faire des choses à côté. La pression est de trouver le temps au bon moment pour ne pas être en retard.
Votre travail sur un making of ressemble à celui d’un journaliste lorsque vous posez des questions durant le tournage.
C’est vrai. Une grande partie du making of est l’interview. On connait le scénario et l’équipe du film et on se demande quelles questions seraient-elles judicieuses de poser aux différents protagonistes. On veut montrer comment le film a pu être réalisé. L’idée, lors du montage, est d’obtenir des questions-réponses entre eux. On va donc souvent poser la même question aux gens pour qu’en montage on puisse avoir des réponses multiples à la même question. Il faut aussi des questions qui, d’un point de vue marketing, vendent le film. Ce n’est pas évident comme travail.
Pouvez-vous nous parler de votre relation avec Guillaume Canet pour qui vous avez travaillez sur deux films ?
On l’a rencontré sur le tournage de Ne le dis à personne en 2005. Nous étions tous les deux stagiaires sur son film. Quelques temps après, Pour les Petits mouchoirs, Guillaume nous a sollicités pour réaliser le making of. Avec lui, ça se passe très bien sur un tournage. C’est le réalisateur avec qui on est le plus libre. On peut tout filmer, notamment les moments où ils dirigent les comédiens. C’est très intéressant pour nous. C’est avec lui que l’on a le plus appris. Nous étions tout le temps au cœur de l’action, ce qui n’est pas le cas sur tous les tournages. C’est ce qui nous a donné envie ensuite de le faire jouer dans notre court métrage (Voisin Voisin, Ndlr). C’était une manière de boucler la boucle. On a commencé avec Guillaume et on voulait aussi débuter notre histoire de réalisateur avec lui.
Quels sont les acteurs qui vous ont impressionnés et que vous rêveriez de faire tourner dans un de vos films ?
Dans le film Ne le dis à personne, on a rencontré Jean Rochefort. Ça nous a vraiment fait quelque chose de le voir en vrai. C’est tellement un acteur qui a compté dans notre jeunesse et dans tous les films de nos parents. Il a une filmographie incroyable. Nous étions comme des gamins devant lui.
Sinon les autres acteurs ne nous impressionnent pas. On a vraiment une relation de travail avec eux. Cependant, Romain Duris était une des raisons pour lesquels on a participé au film Populaire. C’est un acteur de notre génération que l’on trouve super et dont nous aimons beaucoup les choix de films.
Face à des acteurs américains nous serions sûrement comme des gamins. Devant Bill Murray, on se sentirait comme des merdes. On a grandi avec le cinéma américain qui nous fait rêver. D’un point de vue des réalisateurs, la référence est Stanley Kubrick. Il a touché à tous les styles et ce qu’il a fait a toujours été un succès.
En France, nous aimerions faire tourner Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle dans un de nos films. Pascal Demolon est aussi un acteur que l’on aimerait retrouver sur un de nos long-métrages. Aux États-Unis, Jack Nicholson, Dustin Hoffmann et Bill Murray.
Quels sont vos projets ?
On a donc réalisé un court métrage qui s’appelle Voisin Voisin. Guillaume Canet a joué dedans, ainsi que Fred Testot et Pascal Demolon. Nous avons actuellement un projet de long métrage. Nous sommes en train de l’écrire mais ça prend du temps. Et puis nous avons aussi des projets dans la publicité.
On essaye d’arrêter un peu le making of pour passer à autre chose. Le making of représente un tremplin plutôt qu’autre chose. Mais c’ est une très bonne école pour devenir réalisateur car on est en relation avec tous les corps de métiers. On est une petite souris qui a accès à tout. On peut ainsi découvrir comment fonctionne un film de A à Z. C’est une place en or. De plus, ce sont des métiers de rapport humain qui permettent de rencontrer des gens et de créer des projets ensemble.
Ludovic Bayle
Photo: T.A