Charles M’bouss, alias Jean Gab’1, raconte sans fards son parcours dans son livre Sur la tombe de ma mère. A 46 ans, il décrit avec simplicité et sincérité celui qu’il est, avec la gouaille des titis parisiens.
« Bouge toi et agis ». Le ton est donné ; Jean Gab’1 n’est pas de ceux qui attendent que la vie lui fasse un cadeau. « Si tu veux qu’on t’aide, montre quelque chose, fais quelque chose », explique-il. Jamais de fataliste, toujours l’envie de voir les situations évoluer. C’est pour cela que Jean Gab1 raconte son histoire, une « vie commune », comme il s’amuse à le rappeler.
Survivre sans repères
Respectivement comédien et rappeur, c’est aujourd’hui en tant qu’écrivain que Jean Gab’1 revient sur le devant de la scène. Le légendaire J’t’emmerde laissé au placard, c’est le verbe cru et le phrasé acerbe qu’il narre son histoire.
Seul, perdu, Charles se tourne vers la délinquance. Il retourne à Paris et commence ses larcins. Quand la vie vous a tout pris, il faut trouver un moyen d’exister. Avec son équipe, les Requins vicieux, il dépouille alors le tout Paris et vivent une vie de nabab dans la capitale. Il côtoie Doc Gynéco, Joey Starr et autre Kool Shen, qui peu à peu, débutent dans le rap. Charles quant à lui, fait le choix du hip-hop et commence à danser dans les rues de Paris. Pas pour longtemps. Arrêté à trois reprises pour « des affaires qu’il n’a pas commises », il découvre la prison à Fleury-Mérogis. Dans les quatre murs de sa cellule qu’il partage avec José, un homme de 36 ans emprisonné pour braquages, il apprend les ficelles du métier. Il se recrée également une famille, lui qui ne « croit pas une cacahuète » à cette entité. Dès sa sortie, il est inquiété par une quatrième affaire. « Je savais qu’une quatrième condamnation me serait fatale ; j’aurais pris 15 ans. Encore une peine dans le vent, pour une histoire de viol », raconte Jean Gab’1. Il décide donc de fuir, vers le pays que la France aime le moins. L’Allemagne.
Une envie d’ailleurs
1987. Jean Gab’1 quitte Paris pour Berlin, « avec 480 balles dans les poches ». Ce choix semble mûrement réfléchi. « Je me suis dit, quitte à bouger, autant aller chez « les Fritz ». Les peines sont les mêmes, la vie carcérale y est plus facile », déclare-t-il. « Et puis un Mark, c’était 4,50 Francs », ajoute-il, dans un éclat de rire.
Dans la capitale allemande, il évolue au milieu de trafiquants en tous genres et de Yougoslaves pleins aux as. Il est temps de mettre les conseils de José en pratique. Braquages de supermarchés, de banques, vente d’armes et de drogues, Jean Gab’1 touche à tout. Chaque coup est réfléchi à la seconde près. Son dernier braquage, « celui avant de se ranger », tourne mal. Il est arrêté et écope d’une peine de 33 ans de réclusion criminelle. Peine abaissée à 8 ans. Il peut alors rouvrir son petit commerce à l’intérieur des murs de la prison de Moabit.
Peu avant sa sortie en 1994, la nouvelle lui tombe dessus sans crier gare. Il est devenu père. Une fille qui a aujourd’hui 22 ans, et qui refuse toujours de le voir. Quand on l’évoque, le visage de Jean Gab’1 se ferme. Ses yeux deviennent moins rieurs. Quelques blancs s’installent, l’artiste se frotte nerveusement les mains. « Tu m’as mis un uppercut direct », lance-il dans un sourire, pour cacher sa gène. « C’est à elle de faire son choix, même s’il est guidé par sa mère. C’est la mienne quoi qu’il arrive. Elle n’a pas mon blase mais elle a ma tronche, mes panards et les six chicots qu’il me manque, c’est elle qui les a », conclue-il.
A sa sortie de Moabit, Jean Gab’1 retourne à son premier amour ; Paname. Il se fait rapidement une place dans le milieu du rap et du cinéma. Il apparaît notamment dans La Haine ou Banlieu 13. Cette période de sa vie, il l’occulte volontairement dans son livre, car elle ne retrace pas réellement son parcours. Comme dans ses chansons, il allie cependant musicalité et poésie de la langue française à son histoire.
« Les mots comme exutoire et non comme une thérapie »
« Je voulais raconter ma vie, celle des potes. Sinon qui allait le faire ? ». Après ce rapide constat, Jean Gab’1 commence à écrire. Une première ébauche au stylo, outil qu’il abandonnera rapidement. Écrire pour ses amis, mais aussi pour montrer à la France entière que « même s’il n’écrit pas comme Baudelaire », il pourrait écrire un livre. Écrire enfin pour revenir sur son passé, en utilisant « les mots comme exutoire et non comme une thérapie ».
Le déclic, Jean Gab’1 l’a eu grâce à deux auteurs. Iceberg Slim et Chester Himes, deux écrivains découverts à Berlin durant ses années de prison. « Ils utilisaient énormément de mots en argot, on était dans le même délire. J’ai donc pu comprendre et m’approprier leur style, qui n’était pas étranger au mien », raconte l’auteur.
Aujourd’hui, il n’a plus peur de publier ses ouvrages. Preuve en est qu’il souhaite écrire un deuxième livre. Cet artiste qui va à 100 à l’heure a également déjà d’autres projets en tête. « Je souhaite faire un troisième et dernier album. J’ai également ma marque de vêtement qui va sortir prochainement ainsi qu’un DVD, Punishment Team, qui sera disponible en mai 2013. Il montre mon nouveau projet, le street workout, ou l’art de se muscler dans la rue». En ce qui concerne le cinéma, Jean Gab’1 semble rejeter toute possibilité de rejouer un jour. « On me propose toujours les mêmes rôles, ceux de « Bamboula », même si je parle français et que je m’appelle Charles. Je ne reviendrai au cinéma que quand la mixité sociale existera vraiment. Pour l’instant, ce n’est qu’un leurre ».
Camille Wormser