Jusqu’au 8 septembre prochain, la Cité de l’Architecture abrite une exposition dédiée à Rudy Ricciotti, lauréat du Grand Prix National de l’Architecture en 2006.
On ne présente plus Rudy Ricciotti. Simple provocateur pour certains, visionnaire et résistant pour d’autres, il est, sans nul doute, l’un des architectes les plus adroits et les plus audacieux de son temps. Actuellement omniprésent dans les médias, il vient d’achever le MuCEM à Marseille (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée). L’exposition revient donc de façon large et multiple sur les différents projets, maquettes et réalisations de l’architecte. L’exposition scinde géographiquement son exposé en 2 parties majeures. Une première partie purement exposante et dans une seconde partie un film de Laetitia Masson sur la personnalité de Rudy Ricciotti.
Rudy Ricciotti, l’architecte bâtisseur
La première partie de l’exposition revient sur tous les projets, aboutis ou non, de Rudy Ricciotti. On passe du Stadium de Vitrolles en 1994 au MuCEM en 2013 en passant par le Pont du Diable en 2005. Tous ses projets mettent en valeur l’amour naissant de l’architecte pour le béton dont il a fait son matériau de prédilection. Il travaille la matière pour en faire des constructions spacieuses, puissantes et terriblement novatrices. Par cette matière qu’il façonne depuis une vingtaine d’années, il a réussi à imposer aux réfractaires son style d’écriture architecturale. Ricciotti soutient donc son béton dans une dimension esthétique évidemment mais surtout « politique » comme il le dit lui même. Ricciotti a pris le monde de l’architecture à contre-pied. Loin du faste médiatico artistique parisien, son agence n’a pas bougé de Bandol, petite ville entre Toulon et Marseille, aux abords des Calanques. Il défend donc une architecture purement locale en guérilla permanente avec le néo-provençalisme en vogue dans le sud. Ricciotti atomise les architectes locaux, imposant ses ouvrages en béton fabriqué localement. Il délivrait récemment à Paris Match que « les matériaux choisis pour le Mucem ont été produits dans un rayon de 50 kilomètres. Dans le béton, en France, nous sommes les meilleurs au monde ». La localité de son travail et des matériaux est donc le fondement de son architecture politique et esthétique.
L’exposition présente également des éléments d’ingénierie posés à même le sol. On y trouve des parties de revêtement du stade Jean Bouin, une maquette réduite d’une section du Pont du Diable. Ces éléments inscrivent l’architecture de Rudy Ricciotti dans le réel, dans le concret. Son architecture ne se résume pas à des plans fantastiques, des maquettes irréalisables. Rudy Ricciotti ne manque pas de mentionner, par ailleurs, l’importance du rôle joué par un bureau d’études, celui de son fils et de son associé : Lamoureux Ricciotti Ingéniérie (LRing). L’architecte
bandolais, en avouant que le MuCEM a été un « véritable laboratoire d’études », laisse comprendre à demi mot que le bureau d’études a joué un rôle de quasi garde-fou permettant d’inscrire la qualité créative de l’architecte dans une réalité technique et scientifique : passer de la conception à la réalisation.
Rudy Ricciotti l’homme médiatique
La deuxième partie de l’exposition consiste en un film de Laetitia Masson sur l’architecte : « L’Orchidoclaste ». Ce film est diffusé tous les samedis et dimanches pendant la durée de l’exposition. Laetitia Masson, par ce film d’une heure, tente de mettre à nu Rudy Ricciotti en tant
qu’homme. On peut donc y voir Ricciotti dans son 4×4 en pleine Camargue revenant sur son enfance à Port Saint Louis du Rhône mais également en réunion de chantier ou encore dans son agence « La Tartane » à Bandol. Seulement Rudy Ricciotti sait judicieusement séparer le rôle de l’architecte de l’homme médiatique et de l’homme tout simplement. Dans l’introduction de ce film, Laetitia Masson, qui devient quasiment l’un des personnages principal du documentaire, explique qu’elle n’a qu’un seul but : percer le mystère entourant l’homme médiatique pour découvrir et atteindre l’homme qu’il est réellement. C’était sans compter sur la personnalité tranchante de Ricciotti qui, à aucun moment ne se dévoile et distille des anecdotes quelconques pour faire semblant de se livrer (à voir absolument, le passage sur « la résurrection du Christ », par Rudy Ricciotti). Malgré tous les efforts de Laetitia Masson, jamais Ricciotti ne se dévoile réellement, il contrôle absolument tous ses gestes et mots laissant souvent place à l’homme médiatique provocateur mais hilarant, rôle dans lequel il excelle par son tutoiement automatique, son franc parler légendaire et son charisme redoutable.
Thibault Privé