Comme de tradition, à la rentrée, les blockbusters de l’été laissent place dans les salles de cinéma aux figures de proue du cinéma d’auteur. Le calendrier des sorties va de nouveau être rapidement surchargé. L’automne va notamment voir débarquer enfin sur les écrans certains des films qui ont fait le buzz au printemps à l’occasion du Festival de Cannes… mais pas seulement. La sortie dès aujourd’hui de Jeune et jolie, le nouveau film de François Ozon, semble siffler le coup d’envoi de la nouvelle saison cinéma. Nous vous proposons un petit tour d’horizon très sélectif de quelques uns des films sur lesquels nous souhaitons attirer votre attention pour les quelques semaines à venir. Certains sont des valeurs sûres, d’autres des curiosités qui ne plairont certainement pas à tout le monde, mais tous valent le coup d’oeil.
Jeune et jolie de François Ozon. Sortie dans les salles le 21 août.
Chronique peu ordinaire de l’émancipation d’une adolescente, Jeune et jolie comprend tous les ingrédients ou presque du cinéma de François Ozon. Portrait de femme, raffinement, perversité, ambiguïtés sexuelles : tout est là. Le film raconte la construction identitaire et le passage à l’âge adulte d’une jeune fille de bonne famille qui choisit la voie de la commercialisation de son corps. Loin des clichés de la prostitution estudiantine, légèrement provoquant mais toujours subtile et intelligent dans ses intentions, Jeune et jolie est un film troublant, faussement malsain et captivant. Le charisme de la sublime Marine Vacht, véritable révélation du film, participe énormément de ce qui est peut-être la plus belle réussite jusqu’à présent de la carrière de François Ozon.
Ilo Ilo d’Anthony Chen. Sortie dans les salles le 4 septembre.
Présenté à la Quinzaine des réalisateur à Cannes cette année, Ilo Ilo a remporté la Caméra d’or récompensant le meilleur premier film parmi toutes les sections du festival. Ilo Ilo raconte l’histoire à Singapour de Jiale, jeune garçon particulièrement intenable que ses parents confie à l’attention d’une gouvernante philippine contre qui il va se montrer immédiatement odieux. Le film s’inspire de la propre jeunesse du cinéaste et l’action se déroule dans le contexte de la crise économique asiatique en 1997. Ce n’est pas évident sur le papier mais Ilo Ilo est un film attachant, une chronique simple et plein de justesse dans laquelle se tisse progressivement, dans la douleur et les coups tordus, une très belle relation entre cet enfant au caractère impossible et sa gouvernante toujours digne et patiente. Nous avons un vrai coup de coeur pour ce film qui mérite de ne se surtout pas passer inaperçu.
La Légende de Kaspar Hauser de Davide Manuli. Sortie dans les salles le 11 septembre.
Il ne faut pas confondre ce film avec L’Enigme de Kaspar Hauser réalisé en 1974 par Werner Herzog. Les deux films partagent néanmoins la référence commune à Kaspar Hauser, adolescent à moitié sauvage et à moitié fou qui suscita la fascination par les mystères l’entourant dans l’Allemagne du XIXe siècle. Davide Manuli s’inspire de cette histoire qu’il transpose de manière elliptique dans la Sardaigne d’aujourd’hui, quoique hors de toute temporalité.
Ce Kaspar Hauser là est étrange, insaisissable, et même irritant. Le film en lui même, vaguement conceptuel, est inclassable, un objet filmique atypique, source de fascination réelle mais aussi par moment, d’agacement. Surtout, ce qui fait l’intérêt de cette version là de l’histoire de Kaspar Hauser, outre la présence au casting d’un Vincent Gallo toujours magnifique, c’est la géniale BO composée par Vitalic. C’est cette bande-son, personnage à part entière du film, qui permet à La Légende de Kaspar Hauser de s’élever en authentique expérience de cinéma.
Ma Vie avec Liberace de Steven Soderbergh. Sortie dans les salles le 18 septembre.
Produit par HBO, Ma Vie avec Liberace a été tourné en prévision d’une diffusion télé plutôt qu’une sortie dans les salles. Le casting pour le moins prestigieux (Michael Douglas et Matt Damon) et la réalisation signée Steven Soderbergh pour ce qui est annoncé comme l’ultime film de sa carrière de cinéaste, ont suffit à convaincre le Délégué Général du festival Thierry Fremaux de le sélectionner en compétition à Cannes. Le parcours du film le conduit finalement naturellement à se frayer un chemin dans les salles françaises. Ma vie avec Liberace est le biopic de Liberace, pianiste de music-hall autant génial qu’excentrique, mais aussi absolument gay. Le film se concentre principalement sur la relation amoureuse complexe entre Liberace (Douglas) et le jeune Scott Thorson (Damon).
S’il faut garder à l’esprit que le film est d’abord un téléfilm – de luxe certes, mais un téléfilm quand même – Ma Vie avec Liberace offre tout de même l’occasion à Michael Douglas d’un extraordinaire numéro d’acteur, avec en face de lui un Matt Damon parfaitement à sa mesure. La personnalité de Liberace est méconnue en France mais qu’importe. La démesure du personnage, ses excès, sa frivolité, son univers kitsch etc. font tout le caractère extraordinaire de cette étonnante histoire.
La Vie d’Adèle – Chapitre 1 et 2 d’Abdellatif Kechiche. Sortie dans les salles le 9 octobre.
Le véritable évènement de la rentrée, ce sera La Vie d’Adèle, le puissant film d’Abdel Kechiche que Steven Spielberg et son jury ont plus que légitimement choisit de Palmer à Cannes en Mai.
Adapté en deux temps – le premier très fidèle, le second beaucoup plus librement – de la déjà exceptionnelle BD de Julia Maroh intitulée Le Bleu est une couleur chaude, La Vie d’Adèle constitue un vrai tour-de-force cinématographique. On retrouve immédiatement le style de Kechiche, ses séquences longues, cette impression que la vie est en train de se dérouler très simplement, ce sentiment d’être emporté dans un grand élan, cette façon très naturelle qu’ont les comédiens de jouer etc. Il est difficile de parler de La Vie d’Adèle sans céder à la tentation d’employer tous les superlatifs possibles. Le film se vit de toute façon plus qu’il ne se raconte. C’est une expérience personnelle, une histoire de passion dans laquelle chacun peut se reconnaitre. Avec La Vie d’Adèle, nous vous promettons le grand-huit émotionnel. C’est un choc, un film impressionnant, courageux, sulfureux, mais jamais malsain ou provocateur. L’implication des comédiennes est littéralement stupéfiante. Adele Exarchopoulos et Léa Seydoux n’ont pas fini de faire parler d’elles. On n’y échappera pas et c’est normal. C’est le film de leur vie. C’est un très grand film qu’aucune polémique ne peut ternir. On espère que vous serez autant impressionné que nous.
Ces quelques films sont nos choix pour la rentrée qui s’annonce. Évidemment, de nombreuses autres sorties, pas forcément moins intéressantes, vont rythmer les prochains mercredi, et certains long-métrages mériteront aussi que l’on s’attarde sur eux. On aura sans doute l’occasion de parler d’eux bientôt.
Benoit Thevenin