Qu’est-ce qu’il fallait voir ? Qu’aurait-il mieux fallu rater ? Pas de chichis, place au top 10 de l’année 2013.
1. Gravity, d’Alfonso Cuarón
Sensationnel et époustouflant. Une première moitié qui tient véritablement du sans-faute. Dommage qu’il faille tirer un peu sur la corde pour rentrer dans la case rentable du long-métrage. Malgré cela, Gravity fait preuve d’une mise en scène remarquable et des plus immersives. La 3D vaut particulièrement le coup et Bullock et Clooney, dans un registre plutôt sobre, font mouche.
2. Mud, de Jeff Nichols
Une histoire simple abordée avec autant d’humilité que de rigueur. Les ambiances de bayous sont prenantes et les personnages attachants. En fait, dans ce récit sur l’enfance, tout est impeccable, du scénario au casting. Si l’histoire n’a rien de révolutionnaire, elle est traitée avec beaucoup d’intelligence. Du pur cinéma, qui prend son temps, mais où l’on ne trouve rien à jeter. Bref, un grand film !
3. Le Congrès, d’Ari Folman
Une histoire simple encore (une mère qui a peur face à la fragilité d’un fils) où sont brassés des thèmes plus complexes comme l’impact du cinéma et l’évolution de la technique dans notre société. Le résultat déborde d’inventivité même si quelques détours nous laissent parfois sur la touche. Si l’on accepte de s’y perdre un peu, ce Congrés, qui, sous des dehors parfois éprouvants, regorge de propositions de cinéma, offre une expérience inoubliable.
4. Spring Breakers, de Harmony Korine
En passant le rêve américain à la moulinette, Harmony Korinne transcende son sujet et aboutit à un film sensoriel, effrayant et drôle avec les icônes Disney en vedette. Un poème acide, kitsch et trash, emballé comme une lollipop. Quelque part entre le polar urbain à la Michael Mann et les délires conceptuels façon David Lynch, quand la culture pop s’écroule, forcément ça fait des vagues.
5. The Grandmaster, de Wong Kar-Wai
Wong Kar-wai signe, en plus d’un grand film de kung-fu, un grand film tout court, un peu trop peut-être… En dehors d’une esthétique incroyablement léchée, c’est la première fois peut-être que l’on ressent à ce point la dimension interne et énergétique des arts-martiaux. Si l’histoire est malheureusement resserrée à l’extrême, ne permettant pas à tous les personnages d’exister pleinement, la partie concernant Ip Man et Gong Er touche cependant au sublime.
6. Cartel, de Ridley Scott
Un polar au premier abord insignifiant mais soigné, avec un casting 5 étoiles. Deux étoiles supplémentaires à la réalisation et au scénario, pour un projet à des années-lumière du consensus hollywoodien. Cartel, tristement vendu comme un polar musclé, a beaucoup souffert de son image promotionnelle. Il faudrait le revoir pour ce qu’il est : une fable désespérée sur la cupidité humaine. En quête de vérité et de spectaculaire à la fois, les archétypes s’y déroulent en de longs débordements verbeux qui, d’ellipses en ellipses, grignotent le récit originel, mais qui, en même temps, font tout le sel de cette histoire.
7. A Touch of Sin, de Jia Zhang Ke
Une cartographie effrayante de la nouvelle Chine avec quatre histoires où le réalisme cru côtoie un imaginaire intéressant. Un film politique dense, d’une belle âpreté, qui distille habilement un certain malaise tout en jouant sur les tensions/pressions générées avec des scènes de violence pour le moins marquantes.
8. La Vénus à la Fourrure, de Roman Polanski
Un film d’une succulence rare, drôle et prenant, très littéraire, théâtral forcément et purement cinématographique à la fois, avec seulement deux acteurs pour uniques protagonistes et un théâtre comme seul lieu de tournage. Un exercice de style maîtrisé, avec plusieurs lectures, où Polanski démontre une fois de plus combien son cinéma est encore vif et percutant.
9. Conjuring: Les dossiers Warren, de James Wan
Un film d’horreur diablement efficace, sans aucun doute l’un des plus effrayants de ces dernières années. James Wan se réapproprie les meilleurs effets horrifiques et, sans rien inventer, les ressort à sa sauce avec autant de respect que de maîtrise. Un spectacle habile, avec ce qu’il faut de roublardise sympathique pour marquer les esprits.
10. Snowpiercer, le Transperceneige, de Bong Joon-Ho
Malgré un début peu convaincant, Bong Joon-ho reprend rapidement les rênes de son film et signe une fable révolutionnaire tendue, où l’absurdité, mêlée de sang, pousse à la réflexion. Du grand spectacle empreint de touches poétiques, parsemé de séquences minutieusement orchestrées pour ne jamais oublier le cocktail explosif attendu par les spectateurs. Snowpiercer n’est pas le meilleur film de son auteur, mais la marque d’une carrière parmi les plus encourageantes du cinéma actuel. Même Chris Evans passe plutôt bien, c’est dire…
Pour le reste cette année aura été placée sous le signe du blockbuster sympathique avec des titres aussi variés que : Pacific Rim, Iron Man 3, Worl War Z, Star Trek Into Darkness, Oblivion, Man of Steel… Il serait dommage de les avoir ratés en salle. D’autres, en revanche, vous auront peut-être permis de faire d’heureuses économies (Wolverine 2, Thor 2, Die Hard 5…). Au rang des déceptions, comme chaque année, des petites déconvenues et des gros coups de gueule. Les petites d’abord, avec une palme d’or parfois pénible sans être jamais détestable, le surestimé La Vie d’Adèle, un ersatz de del Toro, pas assez original, pas assez poétique et pas assez effrayant : Mama ; et une comédie tellement absurde qu’elle en devient risible (au lieu d’être drôle) : My Movie Project. Triste. Côté vrai coup de gueule, la farce arty-nanardeuse, Only God Forgives, nous aura bien fait déchanter. Dans le même ordre d’idée, on aurait aimé éviter le film d’auteur érotico-porno-gay, L’Inconnu du lac, le polar prétentieux et vain, Trance, et la mention spéciale du film bobo de l’année : le très ennuyeux Frances Ha. Vous avez trouvé pire, c’est triste, mais on n’en doute pas. Sans rancune. Bonne année cinématographique à tous !
Matthieu Conzales