En plein cœur de la Cop 21 sort un film plein d’espoir : Demain. En mettant en lumière des initiatives citoyennes écologiques, il entend redonner foi en l’avenir et pousser ses spectateurs à agir, selon leurs moyens, en faveur d’un monde meilleur.
Le citoyen au cœur de l’action
Comme bien souvent lorsque l’on aborde le problème écologique, les prévisions sont lourdes et pessimistes. Le film commence sur la voix off de Mélanie Laurent qui évoque ses inquiétudes en tant que jeune maman. Deux spécialistes américains apparaissent à l’écran et démontrent à quel point l’espèce humaine a été destructrice à l’encontre de la nature mais également à ses propres détriments. L’espèce humaine est au bord de l’extinction et en est responsable. Cette conclusion alarmante a plongé la salle dans un profond silence, pesant lui aussi. J’ai moi même été particulièrement émue par ce très court passage, car chaque prise de conscience demeure une claque et ne cesse de me secouer. Toutefois, là où Demain se montre originale c’est dans sa capacité à positiver et à redonner espoir. Après avoir établi les problèmes que subit actuellement notre planète à cause de l’occupation humaine, l’équipe du film dresse son projet. Mélanie Laurent et Cyril Dion se retrouvent autour de quelques pintes pour débattre écologie et se dire que ce serait bien de faire quelque chose, d’autant plus que leur position les en légitime. Armés de leur caméra et d’une petite équipe de tournage, les deux réalisateurs partent donc dans neuf pays pour découvrir les initiatives locales menées en faveur de l’écologie.
Alors qu’auparavant le film se plaçait à l’échelle très large du monde, de l’humanité et de ses actes ; il s’attarde désormais sur plusieurs petites localités pour en dégager leurs particularités. Désormais, la parole est donnée aux citoyens, rythmée à travers cinq chapitres que sont l’agriculture, les ressources énergétiques, l’économie, les gouvernements et l’éducation. Les spécialistes économiques, politiques et écologiques viennent également éclairer les points clés de la représentation. Ils partagent avec les acteurs locaux un humour cinglant et un argumentaire bien rodé. Tous ont en commun une volonté de fer qui arme leur discours et souhaitent changer les choses. Porté par une mise en scène ludique et attractive, Demain met à disposition du public plusieurs informations écrites telles que des chiffres, des pourcentages pour l’éclairer plus précisément sur certains faits. Cette œuvre résolument moderne n’est pas sans rappeler les vidéos faites actuellement sur les réseaux sociaux avec l’utilisation de musiques qui mobilisent l’attention et l’affect du public, ainsi que d’une typographie branchée et de discours percutants. Cette modernité et cette interaction avec l’audience sont dues à la manière même dont le film a été créé. Pour cause, un financement par crowdfunding a permis son élaboration grâce à la participation massive de donateurs sur le site collaboratif Kiss Kiss Bank Bank. Aux dires de ses auteurs, Demain entendait mettre en marche un mouvement citoyen dès sa création.
Bien plus qu’un film utopiste
Demain est un film résolument positif qui souhaite éclairer les initiatives citoyennes qui révolutionnent des villes voire des pays. L’implication de ses créateurs est constante, avec notamment son procédé d’interviews qui fait intervenir majoritairement Cyril Dion. Bon nombre de plans, tournés caméra à l’épaule, nous embarquent en immersion dans les voyages de l’équipe et nous font partager un semblant d’intimité avec elle. Émerveillés, ces bobos branchés découvrent avec naïveté et admiration les initiatives de leurs concitoyens. Au début j’ai souri en voyant Mélanie Laurent prendre affectueusement dans ses bras des spécialistes du climat, alors que je la pensais encore pleine de cette condescendance que je lui ai toujours reprochée. Mais progressivement, je suis moi aussi tombée dans cet état de constant émerveillement devant ces inventions citoyennes, et j’ai aimé me retrouver aux côtés de l’équipe du film. Leur humanité et leur simplicité, parfois niaise certes, m’ont touchées et m’ont permis, en un sens, de m’identifier à eux alors que deux modes (et mondes) de vie largement différents nous séparent. On pense souvent ne rien pouvoir faire pour lutter contre cette lente dégradation du monde parce que tout est géré dans les hautes sphères politiques et économiques. Demain permet de porter un regard non pas révolutionnaire, mais neuf sur la question et nous montre que des initiatives, mêmes petites, peuvent améliorer notre vie même si ce n’est « qu’au niveau local ».
Même si l’œuvre dérive parfois vers une pensée idéaliste et utopique, elle n’en demeure pas moins fondée sur des faits établis par des scientifiques et intellectuels. Les spécialistes se succèdent pour montrer l’impact qu’a l’homme sur la planète mais également sa capacité à inverser la tendance et à agir en faveur de celle-ci. Une lente (parfois trop) démonstration s’égrène et prouve la pertinence de l’écologie sur tous les pans de la société. De plus, l’écologie n’est pas indépendante des autres sphères telles que l’économie, l’éducation ou encore la politique et c’est en tant que processus complémentaire qu’elle est présentée dans ce film. Prenons un exemple : l’écologie n’est pas opposée au concept de rentabilité. En effet, un couple français est présenté dans le film et vante les mérites de son potager à la productivité épatante. Les bénéfices de leur exploitation ne font que croître d’année en année, leur permettant de vivre de leur production tout se montrant de plus en plus inventifs. Le marché du bio est aujourd’hui en expansion et séduit un public croissant. Toutefois, ce mode de vie tarde encore à s’imposer comme une norme, du fait du coût important de ses produits. Ceci est du au système capitaliste permettant au ménage de consacrer une faible part de son budget à ce qu’il consomme au détriment de sa santé et de l’environnement. Selon les scientifiques, les ménages devraient augmenter 30% de leur budget en nourriture pour avoir une alimentation saine pour eux mais également pour la planète. Ce changement est aujourd’hui impensable et engage nos systèmes politiques et économiques. Demain soulève des problèmes actuels et se basent sur des preuves réelles ce qui appuie son propos et le légitime aux yeux du public.
Un film positif et nécessaire
Les voyages s’enchaînent au gré d’une bande-son entraînante et punchy. Les nombreux interlocuteurs qui collaborent au film font tous preuve d’une motivation hors normes qui fait prendre conscience de la nécessité de se mobiliser à notre propre échelle. Demain met en avant le citoyen et évoque l’importance de sa voix pour faire fonctionner un pays. L’exemple des révoltes en Islande est ici éclairant. Ébranlé par la crise financière mondiale, le pays est en proie à de nombreux soulèvements citoyens en 2009. Ceux-ci souhaitaient rétablir leur légitimité et leur voix dans un pays dominé par les actionnaires et le capitalisme bancaire. Après avoir fait démissionner le gouvernement, les citoyens ont pris en main l’appareil démocratique pour être mieux représentés. Même si le combat est encore en cours aujourd’hui, cette mobilisation démontre le pouvoir du peuple à se faire entendre et à s’imposer comme force politique centrale. Demain encourage cette prise de conscience citoyenne en se concentrant notamment sur le volet de l’éducation. Le dernier chapitre du film se base sur le cas d’une école en Finlande, où l’initiative, la polyvalence et l’épanouissement sont les clés de l’apprentissage éducatif. Les différents acteurs œuvrant dans cet établissement mettent en avant les valeurs humaines portées par l’éducation et le besoin de sensibiliser les enfants au monde qui les entoure. L’égalité et le respect sont deux aspects cruciaux pointés par le directeur de l’école qui souhaite voir ces enfants grandir et sortir armés aussi bien intellectuellement que moralement de cet apprentissage.
En axant son discours sur les initiatives positives réalisées par nos concitoyens du monde, le film nous éduque nous aussi et nous redonne confiance en l’avenir. Loin de nous tranquilliser à travers un discours utopiste et infantilisant, il nous appelle plutôt à nous mobiliser pour les causes qui nous sont chères. Parce qu’il s’attaque à un problème qui nous concerne tous : la mort de notre planète et de notre propre espèce, ce film est fédérateur et touchant. Même si je l’ai trouvé un peu trop long, Demain m’a redonné foi en mes convictions et en l’avenir. Il sort des sentiers battus et du discours moralisateur qu’on nous impose quotidiennement dans les médias quant à l’homme et ses répercussions sur la nature. L’œuvre se clôt sur une touche positive et nous appelle à mettre ce qui est en notre pouvoir pour ne pas laisser le monde sombrer. Résolument citoyenne, elle nous appelle à l’être nous aussi en se battant pour nos convictions et à travailler à notre échelle pour la planète et les générations à venir.
Camille Muller