A Florange, le P3 et le P6 ne redémarreront pas. ArcelorMittal avait décidé l’arrêt « provisoire » des hauts-fourneaux lorrains en juin et octobre dernier. Le groupe faisait face à des surcapacités sur tous ses sites européens. La production d’acier a connu un fort ralentissement lié à la crise de 2008. La reprise reste encore fragile. Alors que la croissance de la production de l’acier n’est que de 2,7 % en Europe, elle l’est de pratiquement 7 % au Brésil ou en Chine, selon les données de la World Steel Association. Le 30 novembre, M. Mittal a finalement trouvé un accord avec le gouvernement qui ne conduira ni à la nationalisation, ni à un plan social.
Arnaud Montebourg désavoué
Arnaud Montebourg s’était rendu à Florange le 27 septembre dernier pour déclarer que le « bras de fer » commençait, que le gouvernement « exercerait tout son poids pour qu’une solution de reprise soit trouvée ». Le ministre avait d’ailleurs provoqué la polémique en disant dans les Echos que le problème des hauts-fourneaux de Florange, « c’est Mittal ». Il avait aussi brandi la menace de la nationalisation, évoquant « un contrôle public, même temporaire » quelques jours auparavant en session parlementaire. Une menace qui a d’ailleurs divisé au sein du gouvernement. Un repreneur était prêt à mettre 400 millions d’euros pour acquérir l’intégralité du site de Florange. Mais le groupe sidérurgique souhaitait conserver la filière froide (transformation de l’acier), plus rentable. L’identité du repreneur n’a été dévoilée que très récemment, quelques jours après la décision du gouvernement de ne pas opter pour cette solution de reprise, désavouant au passage M. Montebourg et l’option de la nationalisation transitoire, jugée inefficace face à un problème de débouchés ou de compétitivité.
Les ouvriers trahis?
Toutefois, « il n’y aura pas de plan social à Florange », a dit Jean-Marc Ayrault. Des départs en retraites ne seront pas remplacés, et des reclassements vers d’autres sites du groupe seront proposés. Par ailleurs, le groupe s’est engagé à investir 180 millions d’euros. Un accord qui ne convient pas aux salariés. La fermeture définitive des hauts-fourneaux de Gandrange reste dans les esprits. A l’époque Mittal s’était engagé à réaliser 330 millions d’euros. « Nous n’en avons pas vu la couleur » disait Edouard Martin, délégué syndical à Florange. Une grosse partie des sommes annoncées était déjà programmée. Les organisations syndicales ont été reçues par Matignon mais la réunion a viré au dialogue de sourd. La CGT n’accompagnera pas cet accord. Selon Yves Fabbri, représentant le syndicat, la « logique du gouvernement rejoint la logique industrielle de Mittal ».
Les hauts-fourneaux devaient être maintenus en l’état, au moins jusqu’à avril selon un syndicaliste, en l’attente d’une décision sur le projet Ulcos, un projet fruit d’un consortium paneuropéen (48 entreprises et organisations dans 15 pays de l’UE) qui consiste en la production propre d’acier grâce au stockage du dioxyde de carbone. Candidat, le site de Florange ne l’est plus pour des « raisons techniques ». L’Etat, co-financeur du projet, avait déjà versé 150 M€. Même si Mittal s’est déclaré toujours très intéressé par Ulcos 2, le député mosellan Michel Liebgott estime sur BFMTV qu’il a été « entubé » par Mittal. Le premier ministre répondait le lendemain au micro de RTL que « la bataille qu’il a mené a été fructueuse », évoquant les investissements, les emplois sauvés. Selon lui, Mittal sera obligé de tenir les engagements. François Hollande lui-même a déclaré qu’il en sera « le garant ». Lakshmi Mittal a envoyé une lettre aux salariés. L’industriel y explique que l’entreprise « tient ses engagements ». Il est peu certain que les salariés qui se sentent trahis en restent là. Une occupation des deux sites de production d’acier brut devait commencer en ce début de semaine, par des salariés qui espèrent du gouvernement une reprise en main du dossier.
Marvin Nsombi