Affaire Cahuzac, Offshore leaks, loi FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), crise financière qui frappe Chypre. Cette conjonction d’événements permet l’ouverture de la chasse aux paradis fiscaux. Cette fois-ci, les dernières heures de ces trous noirs de la finance sont peut-être en train de sonner.
Sous l’impulsion des Etats-Unis et de la loi FATCA, la Suisse et le Luxembourg ont décidé de lâcher du lest sur la transmission d’informations bancaires. Votée en mars 2010, la loi a pour but de lutter contre l’évasion fiscale des contribuables américains. A cet effet, les institutions financières étrangères (banques, sociétés de gestion de patrimoine, etc.) qui désirent collaborer, devront transmettre à l’IRS (Internal Revenue Service, le fisc des Etats-Unis) toute information sur leurs clients américain, notamment le solde de leur compte. Si une banque refuse de collaborer, elle subira une retenue à la source de 30 %, sur les sommes de clients américains qu’elle percevra. Il en ira de même pour le client « récalcitrant » ; un client identifié comme américain par l’IRS et qui refuse la levée du secret bancaire.
Une loi FATCA à l’européenne ?
L’Union européenne voudrait s’inspirer d’une telle loi. Après la mise sous perfusion de la « lessiveuse » chypriote, les révélations de l’affaire Cahuzac et celle de l’Offshore leaks (la fuite de noms de personnalités détenant des comptes dans des paradis fiscaux par le consortium international des journalistes d’investigations (ICIJ)), la lutte contre l’évasion fiscale reste à l’ordre du jour. Le Luxembourg s’est donné jusqu’à début 2015 pour réduire le secret bancaire. « La tendance internationale va vers un échange automatique d’informations bancaires. Nous n’y sommes plus strictement opposés », déclarait Luc Frieden, le ministre luxembourgeois des Finances au Frankfurter Allgemeine Zeitung, le 7 avril dernier. La pression américaine a été un des éléments-clé dans leur décision, ajoute-t-il, vendredi dernier à Dublin, à l’occasion de la réunion des ministres des Finances de l’UE (Ecofin).La Suisse, quant à elle, se contentera d’échanger des informations sur demande. Eveline Widmer-Schlumpf, la ministre des Finances, a révélé au journal Le Temps, que « plusieurs standards peuvent coexister ».
Les yeux se tournent vers les îles anglo-normandes.
L’Autriche quant à elle, « tiendra bon sur son secret bancaire », affirmait ce même vendredi Maria Fekter, la ministre des finances autrichienne. Pour elle, l’échange automatique d’information constitue « une intrusion massive dans la vie privée ». Elle a ajouté que « le secret bancaire est inscrit dans la Constitution » et ne peut donc pas être changé maintenant. Elle a également clairement mis en cause le Royaume-Uni. Le pays « a de nombreux paradis fiscaux sous sa juridiction : les îles anglo-normandes, Gibraltar, les îles Caïman, les îles Vierges ». Lundi, c’est le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, qui espérait qu’on « agisse aussi fermement » avec Londres qu’avec les petits pays de l’UE.
Selon les informations du Monde, le G20 Finances, qui à ouvert ses portes à Washington aujourd’hui, devrait établir l’échange automatique d’information sur les comptes bancaires détenus à l’étranger comme une norme. Est-ce donc la fin des comptes offshore ? Les paradis fiscaux servent à l’optimisation fiscale, au détriment des pays européens en crise, qui auraient grand besoin de ces recettes. Mais ces endroits restent incontournables pour qui souhaite faire des affaires à l’étranger. L’évasion fiscale de Christophe de Margerie, PDG de Total et celle de Jean-Jacques Augier, trésorier de campagne de François Hollande, aux Caïmans, en sont une preuve. Ces placements servent aussi à faire rentrer dans l’économie réelle, des fonds provenant d’activités illicites. Aujourd »hui, la tendance est au changement mais il faudra certainement beaucoup de temps avant de mettre la lumière sur ces places financières pas très nettes.
Marvin Nsombi