Si l’année 2015 a été le théâtre d’événements exceptionnels, notamment dans le champ politique et dans le domaine des relations internationales, de nombreux faits économiques ont également marqué cette année. Il y a eu d’importantes décisions économiques mises en œuvre, tant en France qu’à l’échelle européenne ou internationale. Voici un récapitulatif de quelques faits économiques marquants de cette année 2015, de l’échelle internationale à l’échelle française.
Baisse du prix du pétrole
Le prix du pétrole a baissé cette année : le gazole est passé à moins de 1€ le litre à la pompe, et le baril frôle le seuil critique des 40$. L’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole a en effet été concurrencé par les États-Unis, qui ont développé l’extraction du gaz de schiste ; il y a alors un surplus de production. Dans les pays de l’OCDE, la baisse du prix du pétrole est a priori une bonne nouvelle, source de réjouissance, mais dans les pays producteurs, cela implique de plus grandes difficultés face aux dépenses budgétaires, et complique le développement de ces pays. D’ailleurs, la capitale de l’Arabie Saoudite, Ryad, qui est la première ville exportatrice de pétrole, a subi un déficit budgétaire record cette année.
De nombreux autres pays sont touchés, notamment la Russie. Elle était déjà quelque peu fragilisée avec les sanctions occidentales, et pariait sur un pétrole au prix fort. La baisse du prix du pétrole, corrélée à une baisse du rouble, n’est pas l’idéal pour la Russie, l’un des premiers producteurs de pétrole, dont le PIB a chuté de quelques points. Le Venezuela a également pris un coup, comme d’autres pays d’Amérique Latine, puisque le pétrole est une partie importante de leurs exportations. Ces pays en développement bradent leur or noir, et souhaiteraient donc restreindre la production pour pouvoir augmenter de nouveau les prix.
D’un autre côté, les États-Unis sont passés premier producteur mondial de pétrole grâce notamment à l’extraction du gaz de schiste. La fracturation hydraulique permettant d’atteindre du pétrole inexploitable auparavant, les États-Unis ont fortement augmenté leur production. Ceci accroit donc le danger de la surproduction, et alors la chute du cours de pétrole.
De plus, la baisse risque de continuer, c’est du moins ce qu’affirme l’Agence Internationale de l’Énergie. Cela inquiète également les écologistes. L’impact de cette baisse n’est pas seulement économique, mais aussi environnementale : cette tendance à la baisse n’incite pas à la transition écologique, vers l’utilisation des voitures électriques notamment.
L’affaiblissement de la croissance chinoise
La Chine est la plus grande puissance économique mondiale, étant notamment le créancier de plusieurs pays. Sa croissance qui semblait exponentielle, presque sans fin, a néanmoins souffert d’un ralentissement en 2015 : si elle était à deux chiffres il y a quelques années (12% en 2010), elle est tombée à 7% cette année. Relativement à notre propre croissance qui frôle les 0%, ce résultat semble toujours très positif.
Toutefois, la Chine reste un pays en développement, un développement très rapide qui nécessite une très forte croissance. Or, 7%, c’est l’un des taux les plus faibles depuis 25 ans, et donc depuis l’émergence de la Chine. Une croissance en déclin est problématique pour le pays, d’autant qu’elle est corrélée à un ralentissement de la production : la Chine ralentit et son commerce extérieur aussi, ce qui semble être le début d’une mauvaise pente, étant donné que la croissance chinoise repose pour beaucoup sur les exportations, puisque la demande intérieure reste limitée.
Les problèmes que ce ralentissement de la croissance entraine sont multiples : d’abord, cela peut empêcher la création de nouveaux emplois, et avec une population en croissance, cela peut générer une contestation sociale. D’autre part, cela peut créer un déséquilibre financier : d’ailleurs, une dévaluation surprise d’environ 2 % du yuan a eu lieu le 11 août, et elle fut suivie d’autres dévaluations les jours suivants.
Ceci a généré un déséquilibre par rapports aux autres devises, notamment le dollar, et engendre une instabilité financière et commerciale. En effet, cela peut être perçu comme un protectionnisme déguisé, puisque mécaniquement, les produits importés deviennent plus cher : la dévaluation du yuan peut donc entrainer une baisse de la demande des autres pays et donc éventuellement un ralentissement de l’activité de ces autres pays.
La filiale américaine de Quiksilver au bord de la noyade suite à une vague de problèmes financiers
En septembre, Quiksilver, la marque éminemment connue pour ses articles de surf, a placé sa filiale américaine sous «la protection de la loi sur les faillites». Ce statut renvoie au chapitre 11 du code des États-Unis, et prévoit une procédure de réorganisation pour la société en difficulté financière. Le groupe Quiksilver est très endetté, notamment depuis le rachat des skis Rossignol il y a 10 ans, qui n’a pas été une affaire aussi profitable que prévu, comme l’a reconnu Pierre Agnes, le Directeur Général International du groupe, en évoquant des montants, des intérêts à payer astronomiques : «Cet échec et les dettes accumulées condamnent la société à payer 200 000 dollars par jour d’intérêts». Cette année, la baisse des ventes, chiffrée à 15%, a aggravé la situation, et cela s’est traduit par un effondrement des actions, menaçant même un retrait de Quiksilver de la Bourse, malgré des résultats convenables en Europe et dans la zone Asie-Pacifique.
Le fond d’investissement Oaktree, et la Bank of America sont venus en aide au groupe en apportant 175 millions de dollars de financement pour sa restructuration, dirigée par Pierre Agnes, qui a prévoit de fermer quelques magasins et d’optimiser la distribution. En somme, un investissement de long terme pour un assainissement du groupe, afin de le ramener à la surface.
Pour en savoir plus sur le Chapitre 11 du Code des États-Unis : http://www.senat.fr/rap/l04-335/l04-33519.html
Taux directeurs et la politique de la BCE
La Banque Centrale Européenne a commencé l’année 2015 avec des taux directeurs très bas, fixés 0,05%. Avec des taux de refinancement si faibles, la BCE souhaite rendre moins coûteux pour les banques de proposer des crédits, et donc de stimuler l’économie, la consommation avec la contraction de crédit. En effet, la BCE prête de la monnaie -dite centrale- aux banques : comme elle le fait actuellement avec des taux d’intérêt faibles, cela booste le crédit, et donne la possibilité de relancer l’économie et donc d’éviter la déflation que l’Europe craint. Mario Draghi, le président de la BCE, a pour objectif de remonter à une inflation à 2%, rejetant toute possibilité de déflation.
Ce mois-ci, les taux directeurs de la BCE sont même négatifs, alors que la FED, elle a prévu une remontée des taux. La BCE a de plus lancé un programme de rachat de dettes, de quantitative easing, et les injections d’argent dans les banques vont être prolongées. En somme, la BCE connaît un véritable tournant, mettant en œuvre des nouvelles politiques pour essayer de sortir l’Europe de la crise d’immobilité, et pour redynamiser l’économie et la croissance.
Article pour approfondir le refinancement des banques –notamment grecques- par la BCE : http://www.challenges.fr/europe/20150708.CHA7714/comment-fonctionnent-les-prets-d-urgence-de-la-bce-aux-banques-grecques.html
Salaire minimum en Allemagne : un succès mitigé
Le faible coût du travail allemand, lié à l’inexistence d’un salaire minimum, était souvent considéré comme l’une des raisons de la compétitivité allemande sur le marché international. Seulement, en 2015 a été mis en place un salaire horaire minimum, fixé à 8,50€ de l’heure (contre 9,61€ horaire en France). Le bilan reste mitigé : si cela permet une plus grande sécurité, stabilité pour les travailleurs allemands, la pratique ne semble pas si idyllique : certains employés se voient baisser leur temps de travail pour le même salaire, ne pouvant donc pas concrètement améliorer leur niveau de vie…
D’ailleurs, la demi-teinte de ce succès est reconnue par le gouvernement : Andrea Nahles, la secrétaire générale du Parti Social-démocrate et ministre du travail, admet que « Sur le papier, le salaire minimum existe, mais cela ne me suffit pas.» Mais il ne faut pas oublier que le taux de chômage a tout de même baissé, le bilan n’est pas si négatif. En outre, il faut prendre un certain recul : les mesures économiques sont souvent à analyser à long terme, d’autant que l’instauration du salaire minimum est une véritable révolution pour le monde du travail allemand.
Volkswagen
Le secret de la voiture du peuple a été percé à jour cette année. Des études de contrôle ont découvert que les véhicules diesel de chez Volkswagen étaient truqués pour passer sans encombre les tests d’émissions de CO2. Ségolène Royal a alors lancé une série de tests aléatoire en France, qui ont confirmé les soupçons. Les explications divergent : les employés affirment avoir eu recours à des pratiques illicites alors que Volkswagen défend une sous-estimation fortuite.
Les conséquences sont immédiates : le cours de l’action Volkswagen a drastiquement chuté de 40% en quelques jours. Mais la sanction ne sera pas seulement économique : le 17 décembre les eurodéputés ont voté une commission d’enquête sur le scandale Volkswagen, d’autant que le constructeur est revenu sur ses aveux, et dément tout trucage.
De plus, Martin Winterkorn, le PDG de Volkswagen, qui a démissionné suite à ce scandale, aurait pu toucher une somme faramineuse (qui s’estime en plusieurs dizaines de millions d’euros), amplifiant d’autant plus le scandale autour du groupe allemand.
La question de la compensation financière pour les clients est également sensible. D’abord, il a été question d’une indemnisation de 1000$ par voiture aux États-Unis. Dans le même Enrico Beltz, un cadre qui s’occupe de la vente, a décrété qu’ «il n’y aura[it] pas de compensation financière pour les propriétaires de ces véhicules en Allemagne». La suite sera donc différente selon les pays.
Uber
Uber est un service de mise en relation entre des personnes qui proposent un service de transport et des clients qui recherchent ce service. La guerre a éclaté entre les chauffeurs Uber, qui ne sont donc pas des professionnels (et n’ont donc pas de charges) et les taxis. Le métier de taxi est strictement réglementé : il faut un diplôme et une licence dont le prix peut s’élever à plus de 150 000 €, et Uber apparaît donc comme un outil de concurrence déloyale, proposant des tarifs beaucoup plus attractifs, étant donné que le service en ligne génère moins de coûts.
Les tensions, présentes depuis fin 2014, progressent peu à peu, jusqu’à la violence physique parfois : certains taxis ont agressé des clients du service Uber. Le 22 septembre, le Conseil Constitutionnel a décrété que la mise en relation que proposait Uber était un délit. Des chauffeurs de taxis ont même manifesté devant le siège d’Uber pour montrer leur mécontentement. Un procès devait alors avoir lieu, mais il a été reporté à février 2016. Le directeur d’Uber France, Thibaud Simphal risque même la prison en plus d’une lourde amende. Le procès a été renvoyé pour un problème juridique ; les ordinateurs des dirigeants d’Uber ont été perquisitionnés, et leurs avocats ont exigé d’avoir accès aux données contenues dans ces ordinateurs. Nous ne pouvons pas encore affirmer quel sera l’issue de ce procès, mais la course risque de coûter très cher à Uber.
Loi Macron
Le projet de loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, plus connu sous le nom de loi Macron, a soulevé de nombreuses polémiques cette année. La loi, présentée en janvier, a été promulguée le 6 août 2015, un peu moins d’un mois après avoir été adoptée par l’Assemblée Nationale, avec l’utilisation du 49-3 par Manuel Valls.
Les points sensibles sont notamment le travail dominical et la réforme des professions réglementées, comme les notaires, qui doivent acheter une charge pour exercer. Le ministre voulait libéraliser ces dernières pour permettre une plus grande concurrence, puisque ces charges sont très onéreuses et peu accessibles. De plus, ceci faciliterait, dans une certaine mesure, l’insertion des jeunes diplômés sur le marché de ces professions à charge. L’indignation a été telle que les professions libérales ont porté l’affaire à la Commission Européenne. La loi Macron reforme également le travail du dimanche, cherchant à le rendre plus simple, du moins faire en sorte qu’il ne soit plus une exception.
Les avis restent toujours partagés sur cette loi, qui comporte bien d’autres réformes, notamment sur le permis de conduire et les auto-écoles. Si certains la plébiscitent, pour d’autres, la pilule ne passe pas, comme le montre la manifestation des notaires, avocats et huissiers le 10 décembre dernier.
Plus de précisions sur les modifications des professions à charges : http://www.village-justice.com/articles/Les-impacts-loi-dite-Macron-sur,19937.html
Mathilde Piriou-Guillaume