Lundi 10 février, Jean-Luc Mélenchon était de passage à Guéret, dans la Creuse, pour soutenir la liste autonome du Front de Gauche pour les prochaines élections municipales. L’occasion de connaître ses impressions sur la situation actuelle et sa stratégie pour les prochaines échéances électorales.
La venue de Jean-Luc Mélenchon dans la plus petite préfecture de France n’était sans doute pas un choix anodin. D’abord parce que la liste « Limousin, terre de gauche » des dernières élections régionales avait été « un laboratoire, une vitrine » pour le « mouvement naissant » qu’était le Front de Gauche. Mais aussi parce que David Gipoulou (à gauche sur la photo), tête de liste aux prochaines municipales à Guéret, est un membre du Parti de Gauche, le parti de l’ancien candidat à la présidentielle quand, de l’aveu même de Jean Luc Mélenchon, « dans 90% des cas, ce sont des communistes qui sont à la tête des listes Front de Gauche ».
« On fera comme s’il n’y avait pas de problèmes »
Alors que l’objectif fixé « de passer en tête de la gauche » est mis à mal par le ralliement des communistes aux socialistes dans un certain nombre de villes, notamment à Paris, le tribun a refusé « d’identifier le mouvement communiste aux deux ou trois villes où il est scotché avec les socialistes ». Même s’il reconnait les difficultés actuelles traversées par le Front de Gauche, il a tenu à les minimiser en affirmant que « tout mouvement connait des hauts et des bas ». S’il pense que les arguments des communistes qui se sont alliés aux socialistes sont « totalement erronés », les européennes devraient rassembler les différentes composantes du Front de Gauche. Il refuse d’ailleurs toute explication avec les communistes à propos des choix qu’ils ont effectué durant les municipales. « On fera comme s’il n’y avait pas de problèmes », « l’attitude la plus positive » selon lui. Il a également rendu hommage à ceux qui l’avaient désigné candidat à la présidentielle de 2012 car ils ont « tenu la maison, les bases », ajoutant qu’il est « content qu’ils continuent le travail », « qu’ils soient là ». Il propose même de se mettre en retrait si d’autres veulent « courir devant ».
« Des gens me disent : « Moi, mon métier c’est socialiste, mon vote, c’est Front de Gauche » »
Affirmant sa volonté de « construire une gauche indépendante », « cette gauche de refus et d’opposition pour lutter contre la frustration et la résignation », le co-président du Parti de gauche cherche à « creuser un sillon » pour « rassembler tout le monde sur une autre ligne », de « résistance à l’austérité, de rupture avec le capitalisme et le productivisme ». Dans l’optique de ce rassemblement, il estime que « la faille la plus importante est dans EELV » car « les socialistes les ont contraint à renoncer à tous leurs fondamentaux ». L’ancien candidat à la présidentielle n’a d’ailleurs pas manqué l’occasion d’égratigner le PS, qu’il nomme « Parti Solférinien car il ne reste de socialiste que l’adresse ». L’ancien sénateur socialiste, qui dit s’inscrire « dans une démarche d’ouverture », a pourtant vertement critiqué la gauche du PS car il « serait coupable d’entretenir des illusions à leur sujet ». Selon JLM, cette frange du parti socialiste « fait de grandes déclarations et ne fait rien » et « instrumentalise son pouvoir de nuisance ». Il a par ailleurs regretté le « double langage » de ces socialistes qui lui disent « moi mon métier c’est socialiste, mon vote c’est Front de Gauche ». Il a également affirmé que « des milliers de socialistes ont quitté le PS, des dizaines de milliers sont en attente et ne font rien, ni campagne pour l’un, ni pour l’autre ».
« Ils font une économie pour les morts »
Il attribue cette « saignée à blanc » du PS à François Hollande et Jean Marc Ayrault qui ont « fait une erreur terrible lorsqu’ils ont dit oui à madame Merkel et aux Nord-Américains ». Il se dit très inquiet de la « mèche terrible « , « du baril de poudre » que ces derniers auraient allumé en parlant « du sociétal pour oublier les turpitudes du social ». Lorsqu’il évoque la politique économique actuelle, Mélenchon ne mâche pas ses mots, parlant « d’une économie pour les morts, c’est à dire une économie où il n’y a pas d’activité, où il y a seulement l’activité de la rente ». Le libéralisme conduisant selon l’ancien trotskiste « à une catastrophe écologique majeure et une catastrophe de civilisation en Europe », il propose une « relance de l’activité » afin de répondre aux « problèmes nationaux » que sont selon lui « le travail, les transports, la santé et l’éducation », refusant de parler de « ce mot fourre-tout de croissance qui reprend les logiques productivistes ». « Le premier moteur » de la relance qu’il appelle de ses vœux est « l’économie de la mer ». Il affirme que « tous les clignotants sont au rouge, tout ce que nous avons dit se vérifie, y compris pour l’Allemagne où il y a un épuisement de la consommation intérieure« . »Alors que nous sommes au cœur d’une tourmente terrible dans toute l’Europe », Jean Luc Mélenchon a réclamé « du courage et de l’audace, de l’action et de la séparation ! »
Aymeric Misandeau