Après le rassemblement de ce  dimanche  11 janvier, le débat politique a repris ses droits. L’état de choc d’une opinion publique réclamant des mesures fortes n’a pas échappé à l’UMP qui propose une liste de mesures, parmi lesquelles le rétablissement du crime d’indignité nationale. L’instauration de ce crime puise son origine dans la libération de la France occupée, son rétablissement  à notre époque suscite un certain nombre d’interrogations.

 

La reconnaissance du Français indigne par l’ordonnance du 26 décembre 1944

 C’est dans un contexte politique tendu que fut instaurée l’ordonnance du 26 décembre 1944. Une opinion publique particulièrement remontée contre les collaborateurs compose alors la France. Le conseil national de la résistance, à la tête duquel est le général de Gaulle, pressent qu’il est indispensable que la république punisse les actes de collaboration pour apaiser les citoyens et éviter les lynchages et autres humiliations publiques. L’ordonnance du 26 décembre 1944, fait partie de l’arsenal légal devant permettre de sanctionner les collaborateurs et ainsi apaiser la société Française.

Le crime d'indignité national est né en 1944, peu après la fin de l'occupation allemande.

Le crime d’indignité national est né en 1944, peu après la fin de l’occupation allemande.

Cette ordonnance stipule que le crime d’indignité nationale consiste en une aide positive ou négative apportée à Allemagne nazie et à ses alliés, en une atteinte à l’unité de la nation, ou bien en une atteinte à la liberté ou à l’égalité des Français. De façon beaucoup plus pratique, c’était souvent les personnes ayant manifester ouvertement leur sympathie à l’occupant nazi, soit par un acte positif comme l’adhésion à un parti ou la prise de fonction administrative la servant directement, soit par une simple propension à la collaboration spontanée avec les autorités allemandes.

Ce crime d’indignité nationale était souvent l’accessoire d’autres sanctions. Il arrivait cependant qu’il permette de sanctionner des comportements non réprimandés par l’arsenal juridique de l’époque. La « dégradation nationale » venait sanctionner ce crime, une fois qu’il était identifié par la cour de justice compétente, comme ayant été effectivement commis par le justiciable visé par la procédure. Cette dégradation nationale consiste en une déchéance d’un certain nombre de droits civils, politiques et militaires. La perte du droit de vote, des grades militaires et du droit de porter une arme constituent trois illustrations éloquentes de cette peine de dégradation nationale.

Cette peine de dégradation nationale venant sanctionner le crime d’indignité nationale était tout de même assez lourde puisqu’elle ne pouvait être inférieure à cinq années. Il s’agissait néanmoins ni plus ni moins que de reconnaître et sanctionner la personne ayant eu un comportement indigne de sa nationalité française. Le débat tournant autour de la question de la réinstauration de ce crime, porte davantage sur la personne indigne d’être française, que sur le Français indigne.

 

Indigne d’être Français, mais néanmoins Français !

 Si la réinstauration du crime d’indignité nationale est la proposition numéro 6 des 12 propositions avancées par l’UMP ce mercredi 14 janvier, la paternité de l’idée revient à Philippe Meunier (député UMP), qui l’avait proposée en novembre 2014. Cette idée semble s’insérer dans un débat plus large, au sein duquel la problématique terroriste est fondamentale. En effet, le député Meunier évoquait cette mesure pour dissuader les jeunes Français de revenir d’un pays tiers dans lequel ils seraient partis faire le djihad, comme la Syrie par exemple. La proposition du député UMP visait à instaurer un crime d’indignité nationale dont la sanction de déchéance nationale serait une sanction à titre principal et comprendrait notamment trente années de réclusion criminelle, l’impossibilité d’exercer de nombreux droits, ainsi que de nombreuses professions.

 Si l’UMP, comme elle l’indique dans sa sixième proposition, entend instaurer ce crime comme le complément d’un autre, il n’en demeure pas moins qu’il vise à sanctionner ceux qui ne pourront être déchus de la nationalité française. La déchéance ou le retrait de nationalité constitue la cinquième proposition de l’UMP. Seulement, comme cela est indiqué dans leur publication, elle ne pourra être envisagée que pour les binationaux. De même que l’interdiction administrative de retour des djihadistes étrangers et binationaux sur le territoire Français, qui constitue la proposition sept.

 Il est de notoriété publique que le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, est favorable à la déchéance de nationalité pour les Français ayant participé à la réalisation d’actes terroristes. Dans le cas des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly, nés Français, et ne possédant pas de double nationalité, seule la sanction d’indignité nationale aurait pu leur être appliquée. D’une certaine façon, ce crime est un moyen détourné d’indiquer qu’une personne est indigne d’être Française, étant donné que son objectif premier est d’empêcher le retour des djihadistes sur le territoire national.

 La proposition avancée par l’UMP l’est dans un contexte bien différent de celui qui avait présidé à sa mise en place en 1944. En effet, alors qu’à cette époque, un contexte de guerre avait laissé de nombreuses séquelles au sein de la société civile, la guerre est de nos jour lointaine et n’a pour l’instant que des répercussions limitées sur le territoire français. Si l’influence d’une idéologie sur certains jeunes Français n’est plus à démontrer, on peut penser que les priver de leurs droits civiques et politiques ne fera que les marginaliser davantage au sein de la société, et sans doute les conforter dans leurs idées.

 

Valentin Lemort