Alors que les attentats du 13 novembre sont encore gravés dans les mémoires, le premier anniversaire des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher sont solennellement commémorés. Ce dimanche 10 janvier 2015, place de la République, une cérémonie mise en place par la Mairie de Paris en hommage aux victimes a été organisée. Retour sur cet événement teinté d’un ciel gris… 

Paris, dimanche matin, le ciel est gris et pluvieux. Rien d’extraordinaire pour ce jour pas tout à fait comme les autres. Les stations République et Jacques Bonsergent sont fermés, laissant comme une légère impression de déjà-vu. L’année précédente, presque jour pour jour, ces mêmes stations avaient été bouclées par mesure de sécurité, lors de la marche républicaine qui a vu passer près d’un million cinq cent mille personnes, ainsi que de nombreux chefs d’État.

 

Une place sous haute surveillance

Les rues transversales à la place de la République sont également interdits aux véhicules : voitures et vélos sont méthodiquement détournés. Cependant, on continue de remarquer que ces personnes marchant inexorablement dans la même direction, comme attirées par le centre de la république parisienne.

Les forces de l’ordre sont tendues et sur le qui-vive. Rien ne doit venir ruiner ce moment de recueillement. Certains d’entre eux tentent malgré tout de garder une ambiance décontractée. « Madame, allez voir mon collègue souriant là-bas! » indique ironiquement le policier en charge de la seconde fouille précédent l’entrée dans la place de la République. La femme s’avance rapidement vers le grand homme au visage fermé. Comme les autres visiteurs, elle est scrupuleusement fouillée : manteaux, sacs, poches, tout y passe.

La place de la République est partiellement accessible au public. Le centre est réservé aux familles des victimes et aux rescapés du Bataclan, ainsi qu’aux officiels. Le public se trouve quant à lui sur les côtés sud de la place, entre la rue du temple et le boulevard de la République, d’où ils profitent de la cérémonie à travers des écrans géants. Une petite scène a aussi été installée pour permettre aux artistes de réaliser leur performance musicale.

 

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Seconde entrée de la Place

 

La cérémonie officielle

A 11h, la plaque commémorative est inaugurée par le président François Hollande, accompagné du premier ministre Manuel Valls et de la maire de Paris, Anne Hidalgo. On peut y lire « À la mémoire des victimes des attentats terroristes de janvier et novembre 2015. Ici même, le peuple de France leur rend hommage ».

 

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Johnny interprétant « Un dimanche de janvier »

 

Le chanteur populaire Johnny Hallyday a ensuite interprété sa chanson « Un dimanche de janvier ». Inspirée de la marche du dimanche 11 janvier 2014, cette chanson a suscité une vague de nostalgie et d’émotions. Par la suite, le Chœur de l’Armée Française a pris le relais en interprétant la chanson de Jacques Brel « Les prénoms de Paris ». S’en est suivit la lecture de l’allocution de Victor Hugo lors de son retour à Paris, le 5 septembre 1870, après un exil de 19 ans. Malgré son ancienneté, le texte a eu une résonance très actuelle, après ce dont la France a été confrontée…

« Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde. Paris est le centre même de l’humanité. Paris est la ville sacrée. Qui attaque Paris attaque en masse tout le genre humain. »

11h21 : Le Chœur de l’Armée française interprète « Le temps des cerises ». Puis, François Hollande, Manuel Valls et Anne Hidalgo s’avancent pour déposer une gerbe au pied du statut de la République. Une minute de silence a ensuite été entreprise, suivie d’une Marseillaise. Les officiels ont salué les proches des victimes et les rescapés du Bataclan, avant de finalement prendre congés. D’autres personnalités politiques étaient présentes, comme Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, Bertrand Delanoë, mais aussi des collaborateurs de Charlie Hebdo comme Mathieu Madenian… À 12h05, la place de la République a de nouveau été entièrement accessible au public.

 

François Hollande, Manuel Valls et Anne Hidalgo durant la minute de silence

François Hollande, Manuel Valls et Anne Hidalgo durant la minute de silence

 

Place au peuple

Les personnes jusqu’alors spectateurs du recueillement, ont pu s’approcher de la statue et des stèles installés un peu partout. Bougies, bouquets de fleurs, drapeaux, dessins, panneaux ont été apportés. Une jeune femme, parée d’un drapeau de la France aide les personnes à monter sur la statue. Elle s’appelle Aurore et fait partie du collectif « 17 plus jamais ». « Je fais partie du collectif, mais au final je suis là comme vous, comme eux, pour me recueillir et rendre hommage aux morts… » m’explique-t-elle.

Il est finalement 12h30 et c’est difficile de ne pas remarquer que par rapport à l’année dernière, beaucoup moins de personnes sont présentes. L’ombre de la menace terroriste est toujours là, persistante, après ces derniers attentats. Mais pour les personnes présentes, leur attention n’est concentrée que sur l’instant présent.

 

Moment de recueillement

Moment de recueillement

 

« J’admire tous ces gens qui sont là, ils sont beaux parce qu’ils viennent manifester leur douceur, leur gentillesse et leur fraternité. » confie Ahmed, 72 ans, un retraité anciennement travailleur social en milieu scolaire. Pour lui, venir ici se recueillir après les atrocités de janvier dernier est un devoir civique. « Liberté, égalité, fraternité sont des mots qui ont beaucoup de profondeur et un sens magnifique. C’est trois mots représentent toute l’histoire de la France, de la Révolution, surtout de la République. »

Selon lui, la France n’est pas ébranlée, car elle est solide. Mais il ne peut s’empêcher de souligner qu’il trouve tout de même la banlieue laissée pour compte. D’ailleurs, ce matin de janvier, cette même banlieue est très peu représentée. Les classes moyennes et aisées sont majoritairement représentées. Des retraités pour la plupart, mais aussi des parents accompagnés de leurs enfants, des touristes, quelques jeunes… Comme Mathilde, 22 ans, étudiante en psychologie. Ce paradoxe, elle le relève également et pour elle, c’est le défi majeur auquel est confronté la société française actuellement : l’unité. « Mais comment ? C’est une bonne question… » lâche-t-elle songeuse. « J’ai l’impression qu’on a un peu oublié ce qui s’est passé en janvier dernier (le rassemblement national ; ndlr). Cette union est revenue avec ce qui s’est produit ce novembre. Mais au final, on se réunit parce qu’on se souvient, mais ce n’est pas une vraie unité. » Malgré tout, elle continue à venir place de la République, comme elle le fait maintenant et comme elle l’a déjà fait en janvier, novembre et tout au long de l’année 2015. « C’est un moment de recueillement, pour ne pas oublier. Pour montrer à tous ceux qui sont tombés qu’on est là, qu’on continue à vivre… Aussi pour se rassembler, venir avec tout le monde et voir qu’on n’est pas seul… »

 

Une famille allumant des bougies

Une famille allumant des bougies

 

Marie-Paul le pense également. Cette retraitée bretonne de 64 ans, en visite chez son fils à Paris, a profité de ce voyage pour venir se recueillir. « Je pense qu’être sur place est bien mieux que vivre ça à travers la télévision. Ce rassemblement, c’est le souvenir, c’est ne pas oublier… On n’oublie pas, mais la vie de tous les jours reprend le dessus et revenir là, c’est se replonger dans l’événement, c’est s’unir… ». D’ailleurs, pour les risques qui planent sur la France, elle tente de rester positive.  « C’est compliqué de protéger un pays qui a ses frontières quand même bien ouverte… Mais les politiques sont en train de s’y atteler, donc la chose à faire c’est de ne pas céder à la peur. Je crois que je leur fais confiance… » explique-t-elle dans un sourire.

 

Un homme brandissant une pancarte "Devoir de mémoire"

Un homme brandissant une pancarte « Devoir de mémoire »

 

Beaucoup d’espoir durant cette cérémonie place de la République, venue clôturer cette semaine commémorative des attentats de janvier. A 17h30 cette après-midi, des illuminations sont venus illuminés les trois statues de la place, représentant la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Le « chêne du souvenir », installé mercredi dernier, symbole du renouveau, mais aussi de la liberté et de la république, s’est également retrouvé sous le feu des projecteurs, pour ne pas oublier…

 

Par Gnouleleng Egbelou