Après un quinquennat marqué par le terrorisme, la sécurité était un thème au cœur des présidentielles 2017 et une des thématiques majeures du débat d’entre-deux-tours. Marine Le Pen fait le procès en laxisme de son adversaire, mais est-ce réellement le cas? Retour sur les propositions des deux candidats en matière de lutte contre la délinquance et le terrorisme.
Dans les grandes lignes, sur un bon nombre de points de bilan des dernières années en matière de sécurité, les diagnostics des deux candidats sont plutôt proches. Tous deux pointent la nécessité d’une justice plus efficace, l’impératif d’une meilleure coordination face au terrorisme, la nécessité de renforcer les effectifs policiers réduits sous le quinquennat Sarkozy. Néanmoins, leurs propositions – surtout en matière de lutte contre le terrorisme – ne sont pas toutes identiques.
Le retour de la police de proximité
La suppression de la police de proximité et la réorganisation du renseignement intérieur sous le mandat de Nicolas Sarkozy n’ont pas vraiment eu d’effet bénéfique, loin s’en faut. Si François Hollande a promis – et en partie mis en place – un recrutement de renforts pour les forces de l’ordre, les deux candidats à sa succession estiment que l’effort doit se poursuivre. Marine Le Pen propose le recrutement de 15 000 policiers et gendarmes contre 10 000 pour Emmanuel Macron. Les deux s’accordent sur le fait qu’il faille réduire les tâches administratives auxquelles doivent s’adonner les forces de l’ordre afin de leur permettre de se concentrer sur leurs missions premières.
Ils souhaitent aussi, l’un comme l’autre, le retour d’une police de proximité, connaissant de façon très précise les quartiers dans lesquels ils opèrent. Si la police de proximité que présente Marine Le Pen semble essentiellement axée sur une action répressive, Emmanuel Macron, lui, oscille entre une amélioration des relations des habitants de ces quartiers avec les forces de l’ordre (partenariats locaux, recueil d’avis de la population, généralisation de l’usage des caméras piétons) et des possibilités accrues de sanctions immédiates de la part des agents pour les petites infractions. Reste à savoir comment fonctionnerait une telle mesure dans les faits.
Justice moins laxiste contre justice plus efficace
En matière de justice, si les deux candidats pointent le besoin d’un accroissement des places de prison, ainsi que la nécessité que les peines même les plus courtes soient exécutées, leurs approches divergent.
Marine Le Pen axe son programme avant tout sur une justice plus répressive, quitte à proposer des mesures comme la perpétuité réelle qui sont pourtant proscrites par la CEDH – pas de problème, toutefois, puisqu’elle propose de retrouver « notre souveraineté par rapport aux juges supranationaux. Parmi les idées de son programme, on trouve aussi la suppression du versement des aides sociales aux parents des mineurs récidivistes en cas de carence éducative manifeste, ou la fin des prestations sociales pour les récidivistes justiciables d’une peine d’un an de prison ou plus. Pour la candidate frontiste, la justice française est laxiste, et ceci notamment en raison de l’Ecole Nationale de la Magistrature, qu’elle prévoit de supprimer.
Emmanuel Macron, lui, cherche à créer une justice « plus efficace ». Son plan vise notamment à simplifier les procédures judiciaires, tant pour les justiciables que pour les professionnels de justice, notamment par le biais d’une réorganisation et d’une utilisation accrue de plateformes informatiques. Il cherche aussi à prévenir la récidive par une meilleure réinsertion, en mettant en place des mesures alternatives à l’incarcération et une inscription obligatoire des détenus dans des parcours de formation ou de travail.
Lutter efficacement contre le terrorisme
C’est en matière de lutte contre le terrorisme que les visions des deux candidats diffèrent le plus. Les deux candidats s’accordent sur l’importance que revêt la lutte contre le terrorisme islamiste qui nous menace actuellement, le besoin de lutter contre les terroristes sur les terrains extérieurs et la nécessaire amélioration de l’organisation des différents services de lutte antiterroriste, mais c’est à peu près tout.
Pour Marine Le Pen, la lutte contre le terrorisme passe avant tout pour un retour aux frontières nationales et la lutte contre le « fondamentalisme islamiste ». Elle pointe quelques pistes intéressantes, notamment en termes de restrictions des relations économiques avec les États soutenant les terroristes, mais propose de nombreuses mesures qui restent essentiellement symboliques. Si la candidate frontiste admet l’inutilité de la rétention administrative de l’ensemble des fichés S les plus dangereux, elle n’hésite pas à proposer la déchéance de la nationalité des bi-nationaux engagés dans les groupes djihadistes, ou le rétablissement de l’indignité nationale. Comme si un individu prêt à mourir pour défendre son idéologie hésitait face au risque de perdre ses droits civiques…
Sous prétexte d’une lutte contre le fondamentalisme islamiste, son programme dérive parfois vers un certain nombre de mesures qui – sous couvert de laïcité – paraissent cibler plus précisément la communauté musulmane. Il y est notamment question d’un moratoire sur les constructions de mosquées le temps d’une étude sur le financement des mosquées et des associations cultuelles et culturelles animant l’Islam en France. De telles mesures pourraient s’avérer contre-productives, et entrent dans les plans des groupes djihadistes qui comptent sur un sentiment d’oppression chez certaines communautés qui les pousseraient vers une radicalisation.
Emmanuel Macron, lui, reste assez vague, mais table avant tout sur une meilleure organisation des services de renseignement et de lutte antiterroriste, une augmentation des moyens, tant techniques, qu’humains (notamment en termes de renseignement de proximité). Il s’intéresse notamment à la question – qui sera un enjeu majeur des années à venir – du retour des combattants français partis se battre en Syrie et en Irak. Il propose notamment le développement de centres spécialisés consacrés à la déradicalisation. Reste encore à prouver leur efficacité, les essais menés sous le quinquennat Hollande n’ayant pas été fructueux, loin de là.
Somme toute, contrairement à ce qu’on pourrait penser, et même s’il reste des différences fondamentales en termes de lutte contre le terrorisme, les programmes des deux candidats en matière de sécurité ne sont pas si éloignés que cela sur de nombreux points. Le procès en laxisme qui est parfois fait à Emmanuel Macron semble finalement peu justifié, même si un certain nombre de mesures gagneraient à être approfondies. Marine Le Pen présente un programme axé sur une répression accrue, mais propose certaines mesures qui flirtent avec les limites d’un État de droit, ou qui sont simplement symboliques.