La situation actuelle des Rohinga est assez peu médiatisée. Ceux qui sont pourtant considérés comme le peuple le plus persécuté aujourd’hui ne sont pas très visibles, et leur situation ne fait pas les gros titres. Pourtant que l’ONU mettait déjà en garde contre le nettoyage ethnique en Birmanie en 2016, et a déclaré en septembre 2017 que la situation actuelle est un « exemple classique de nettoyage ethnique ».
Qui sont les Rohingya ?
Les Rohingya sont une minorité musulmane en Birmanie, pays majoritairement bouddhiste : actuellement, à la suite des déplacements de population, il n’y aurait plus que quelques centaines de milliers de Rohingya pour 51 millions de Birmans. Les liens entre le peuple Rohingya et la Birmanie sont historiquement tendues. En effet, ils revendiquent être présents en Birmanie depuis plusieurs siècles, tandis que les citoyens birmans soutiennent qu’ils sont l’importation de la colonisation britannique. La nationalité birmane a d’ailleurs été retirée aux Rohingya en 1982.
Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix
Il faut se rappeler que l’actuelle dirigeante de la Birmanie, Aung San Suu Kyi, avait reçu le prix Nobel de la Paix en 1991. En septembre, elle avait déclaré, lors de l’Assemblé générale de l’ONU, que la Birmanie était prête à accueillir de nouveau les centaines de milliers de Rohingya qui étaient réfugiés au Bangladesh. Néanmoins, quelques mois plus tard, la situation est toujours critique.
La situation actuelle
Des centaines de milliers de Rohingya cherchent à quitter la Birmanie où ils font face à des difficultés pour travailler, étudier et sont mal considérés dans le pays. Depuis 2012, des villages sont entièrement rasés, et leur culture est mise à mal. Une bonne partie cherche à rejoindre la Thaïlande, mais nombre d’entre eux habitent en fait aujourd’hui dans des camps, et fuient vers le Bangladesh.
Il s’avère qu’il y a de nombreux enfants dans ces déplacements de population. Il est estimé que 40000 mineurs ont traversé la frontière seuls, séparés de leurs parents par les difficultés du périple, ou même la mort. Il y a de lourds problèmes de mal nutrition dans les camps et de nombreuses personnes sont dans une situation critique.
La mobilisation des Youtubeurs
Jérôme Jarre, figure française incontournable de Vine, avait déjà lancé une action pour lutter contre la famine en Somalie en mars 2017. Il a à nouveau remué la toile en cette fin de novembre pour mettre en lumière la question des Rohingya et essayer de trouver une solution. Avec d’autres icônes de Youtube, comme Mister V ou Seb La Frite, et même des stars grand public, notamment Omar Sy, Jérôme Jarre et son équipe sont allés sur place, dans un camp. Un live de 48h a été lancé le mardi 28 au matin, pour sensibiliser à la situation, en montrant des images et en proposant des témoignages en direct.
Les Youtubers ne sont pas les seuls à avoir mis en lumière la situation critique. Le Pape François s’est rendu sur place, ainsi qu’au Bangladesh pour rencontrer les personnes déplacées et réfugiées dans des camps. Cette visite a suscité beaucoup d’espoir chez les Rohingya, qui espèrent que cela permettra la prise en compte et in fine la résolution de leur situation.
En parallèle des actions sur Youtube, un hashtag a été diffusé sur Twitter, #lovearmyforRohingya, pour relayer en masse l’appel au don pour aider les Rohingya parqués dans les camps insalubres. La présence des différents Youtubers largement connus, et avec des publics divers et variés permet d’expliquer en partie l’importance de la mobilisation : plusieurs milliers, dizaines de milliers même de retweets.
L’absence de grandes entreprises dans les contributeurs fait scandale sur la toile : les internautes les interpellent, et appellent notamment Youtube à donner et à participer à la collecte de fonds. A l’heure où cet article est écrit (le jeudi 30 novembre à 10h30), plus d’un million de dollars (1 338 016 $) a été collecté sur le site Gofundme, avec plus de 42000 donneurs.
Il est intéressant de voir ces nouvelles formes de mobilisation collective. Des personnalités utilisent parfois leur notoriété pour des causes humanitaires, comme les Resto du Cœur en France. Cette nouvelle initiative utilise néanmoins un autre média que la télévision : Youtube. Cette particularité n’est pas anecdotique, puisque cela implique une nouvelle cible, un nouveau public, les jeunes, qui ont d’ailleurs largement répondu à l’appel. Internet, pourtant longtemps associé au développement du slacktivsme (activisme paresseux et passif, un militantisme au rabais), permet donc aujourd’hui l’émergence de nouvelles formes de mobilisations, plus brèves mais massives, qui semblent en adéquation avec la situation d’urgence, comme c’est le cas pour les Rohingya.
Mathilde Piriou-Guillaume