Mardi 11 septembre est publié le rapport annuel de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), « Regards sur l’éducation », comparant les systèmes scolaires de différents pays sur plusieurs critères. Traitement des enseignants et membres de l’équipe éducative, rythmes scolaires inadéquats, classes trop chargées … Tout semble augurer de changements effectifs du système éducatif français dans les mois à venir. Comment le gouvernement adresse-t-il ces problèmes en cette rentrée politique ? Et surtout qu’en pensent les principaux concernés ?
Le métier d’enseignant à revaloriser
Le métier d’enseignant est en crise. Impopularité chronique, manque de vocation, remise en question des acquis pédagogiques: les professeurs semblent être au coeur des préoccupations concernant l’éducation en France. Le magazine co-dirigé par l’ancien directeur du Monde, Eric Fottorino, « Le 1 hebdo » a d’ailleurs récemment dédié un numéro à cela en titrant sa première page « Comment sauver les profs », le 5 septembre dernier. L’illustration de première page est d’autant plus éclairante: la situation des enseignants ne tient plus, aujourd’hui, qu’à un fil.
La situation du corps enseignant a récemment été mise en lumière par le rapport publié par l’OCDE, « Regards sur l’éducation ». Selon ce dernier, la France serait le pays qui paye le plus mal ses directeurs d’école primaire. Un constat alarmant qui rend surtout compte d’un manque d’intérêt du gouvernement encore trop significatif pour les métiers de l’enseignement du premier degré. Les chiffres nous apprennent ainsi que les directeurs d’école primaire gagneraient 70% de moins qu’un principal de collège, en France.
Cela n’échappe d’ailleurs pas aux syndicats enseignants qui s’insurgent à ce sujet depuis la publication du rapport. Xavier Suelves, responsable de la branche « Enseignants des écoles » au syndicat SE-Unsa, pointe ainsi du doigt « la faiblesse de rémunération des directeurs au regard des missions et responsabilités croissantes qui leur sont confiées ».
De même, la France est l’un des pays qui donne le moins d’autonomie aux écoles primaires. 10 % des décisions sont prises au niveau de l’école, dont 2 % seulement en « autonomie totale » selon le rapport. Cela pose évidemment de multiples problèmes à l’échelle locale d’un établissement qui doit ainsi se plier à des contraintes importantes. « L’école, pour son fonctionnement, doit passer par des demandes auprès des communes car elle n’a pas de budget propre. Des demandes que les communes peuvent accepter… ou refuser » affirme Xavier Suelves. En l’absence de réel statut juridique, l’école primaire ne peut ainsi pas décider de tout concernant son organisation. Les directeurs se retrouvent donc dans une position paradoxale où ils sont finalement responsables de beaucoup et décisionnaires de très peu.
Un dossier se trouve d’ailleurs sur le bureau du ministre Jean Michel Blanquer actuellement. Il s’agit d’un rapport parlementaire des députées LREM Cécile Rilhac et LR Valérie Bazin-Malgras préconisant de créer un véritable statut des directeurs d’école et d’augmenter leurs salaires. Le ministre de l’Éducation déclarait déjà vouloir aller dans le sens d’une articulation entre les collèges et les écoles primaires, ce qui renforcerait à ses yeux le pouvoir décisionnel du directeur.
Des rythmes scolaires à remodeler et des classes surchargées
Le rapport ne souligne pas uniquement que les mauvais traitements des enseignants dans le système éducatif français mais met également en lumière ses défauts. Défauts qui ont de toute évidence un impact sur le niveau scolaire des élèves et leur rapport avec l’école.
Lorsque nous avons interrogé les syndicats de parents d’élèves, la question des rythmes scolaires revenait le plus souvent comme étant l’un des constats les plus marquants du rapport. Anne Goffard, présidente de la FCPE Nord, nous parle ainsi de « semaines des écoliers français totalement déséquilibrées » tout en insistant sur une « année scolaire dans sa globalité mal organisée ». Les élèves français ainsi que leurs parents ont « un rythme de vie complètement aberrant ! » a-t-elle exprimé.
Trop de temps de vacances pour les élèves français en opposition à des temps de cours trop conséquents en semaine et des journées trop chargées. Selon l’OCDE, les écoliers français travailleraient 100 heures de plus que leurs voisins européens, sur un temps plus court. Le fait est que ce déséquilibre influe beaucoup sur la réussite scolaire des enfants. S’ils ont plus d’heures de cours que les autres, cela ne fait pas d’eux de meilleurs élèves pour autant. Le débat n’a donc de cesse d’être relancé sur la question des rythmes scolaires, des méthodes pédagogiques et des contenus des programmes.
Si Jean-Michel Blanquer a affirmé dans son plan de rentrée sa volonté d’ajuster les programmes scolaires, notamment de mathématiques, de français et d’éducation morale et civique, la question des rythmes scolaires n’a pas tant été au cœur des préoccupations. Certes depuis la rentrée 2017, 80% des villes et 85% des écoliers sont repassés à la semaine de quatre jours selon des estimations du ministère, ce qui constitue un changement majeur dans la vie des élèves français et l’organisation des parents, mais il demeure que le problème des vacances et des journées trop longues n’est pas abordé ou ne fait en tout cas pas l’objet d’inquiétudes majeures.
De même, l’OCDE indique que le nombre d’enfants par enseignant en maternelle est beaucoup plus élevé en France que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. 23 élèves par enseignant: c’est presque 10 enfants de plus que la moyenne.
Malgré l’élargissement du dispositif des « classes à 12 » à 190 000 élèves de CP et CE1 en REP+, la surcharge des classes françaises reste une réalité pour beaucoup d’établissements et à de nombreux niveaux. Selon Anne Goffard: « les enseignements des langues et des sciences expérimentales devraient être systématiquement réalisés en 1/2 classe pour donner à chaque enfant la possibilité de parler, d’échanger, d’expérimenter… mais aussi d’être écouté, encouragé, suivi. »
Les contradictions du gouvernement
Au début du quinquennat, le gouvernement ne cessait de mettre en avant son dévouement pour l’éducation en faisant d’elle une priorité. Déjà pendant sa campagne, Emmanuel Macron avait affiché un intérêt prononcé pour les questions d’éducation et s’était ainsi démarqué des autres candidats en y consacrant notamment sa « carte blanche » lors d’un débat présidentiel surtout marqué par les questions de sécurité, le 20 avril 2017 dernier. Priorité donnée au primaire, mesure phare du dédoublement des classes de CP et CE1, renforcement de l’orientation au collège et au lycée ou encore accompagnement des enseignants … Tout semblait augurer de changements et progrès effectifs du système éducatif français.
Pourtant, les décisions prises par le ministère de l’Education depuis lors n’ont pas été satisfaisantes aux yeux des syndicats d’enseignants et de parents d’élèves. En vue d’un réel progrès en la matière, « le gouvernement doit faire confiance aux personnels et arrêter les injonctions pédagogiques : les enseignants sont des professionnels qui ont besoin d’être reconnus en tant que tels, tant par la hiérarchie que par les familles et la société. Le ministère doit ainsi arrêter de faire croire à l’opinion publique que les solutions résident dans des visions archaïques et des apprentissages basés sur la répétition » selon Xavier Suelves.
La rentrée politique du ministère de l’Education n’est pas sans endiguer la situation avec l’annonce récente de Jean Michel Blanquer, le 16 septembre dernier dans un entretien avec le Figaro de la suppression de 1 800 postes dans l’Education Nationale.
Une annonce et un tour de passe passe qui provoquent encore une fois la colère des syndicats enseignants. « Dans le 1er degré, nous aurons des tensions car les besoins en poste vont continuer de croître avec la poursuite du dédoublement en éducation prioritaire » Xavier Suelves nous a-t-il confié.
Mais quelques jours plus tard, le ministre revient sur son annonce et précise que la suppression concerne en réalité 2 600 postes au collège et au lycée et que 1 900 postes seront également créés dans le primaire. Le rapport de l’OCDE confronté aux décisions récentes montre bien que le gouvernement ne peut pas se permettre de se reposer sur ses lauriers et doit continuer à affirmer son intérêt pour l’éducation par le biais de réformes concrètes répondant aux enjeux rapportés par les syndicats et les enseignants.
Ainsi, selon Anne Goffard, présidente de FCPE Nord : « Il faudrait que nos gouvernants comprennent que l’Education n’est pas rentable, c’est un investissement sur l’avenir. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas exiger des résultats de la part des équipes pédagogiques mais qu’il faut arrêter d’envisager l’éducation sous un angle purement comptable. »
Rachel Rodrigues