A l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la Seine-Saint-Denis se mobilise. Une journée de sensibilisation pour les professionnels de santé autour des actions menées contre l’excision était organisée par la mairie de Bobigny. Comment aider au mieux les femmes victimes de mutilations sexuelles ? En commençant par former ceux qui vont les prendre en charge.

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 Hôtel de ville de Bobigny. Dans la salle Pablo Neruda, les participants se reconnaissent et se saluent. Les rires fusent, les discussions vont bon train. Pourtant le sujet est lourd. Dans un département où l’excision touche un tiers des femmes, le problème est de taille. Le public s’installe. Ils sont une centaine à avoir répondu présent à la journée de sensibilisation contre les mutilations sexuelles féminines : médecins, infirmières, assistantes sociales ou aides-soignants.

 Un département levier

Sur l’estrade, les intervenants se succèdent. Le docteur Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne à l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis se présente. Son service a servi de laboratoire pour la prise en charge des femmes victimes d’excision. « Nous nous sommes aperçu que 15 % du personnel de notre hôpital savait diagnostiquer une excision. 30 % d’entre eux en discutait avec la patiente tandis qu’un tiers seulement mentionnait la chirurgie réparatrice»  Le centre a donc pris les choses en main. Tout d’abord par la mise en place de formations pour apprendre au personnel à repérer, diagnostiquer et orienter les femmes. Ensuite par la création d’une prise en charge pluridisciplinaire des patientes (sexologie, psychologie, assistance sociale et chirurgie réparatrice).

Une jeune femme dans le public demande la parole. Médecin généraliste, tout juste sortie de la faculté, elle s’insurge : « Je suis consternée de ne jamais avoir eu de cours en fac de médecine sur ce qu’est exactement le clitoris, et encore moins sur les cas d’excision ». Pour les intervenants, rien d’étonnant à cela ; le corps médical est encore largement masculino-centré, dominé par le tabou du sexe et du plaisir féminin.

C’est également l’avis du docteur Pierre Foldès, inventeur de la chirurgie réparatrice du clitoris, ovationné dès son arrivée. Il est la « star » de la conférence. C’est au sein de Médecins du Monde que Pierre Foldès entame sa carrière. Et c’est au Burkina Faso qu’il découvre les sévices causés par l’excision. Pour 10 000 femmes victimes de mutilations sexuelles reçues en consultation, il a pratiqué 4 000 interventions chirurgicales réparatrices depuis la mise au point de sa technique en 1994.

 Une violence sexuelle

Le chirurgien poursuit sa présentation en projetant des photos de différents clitoris excisés. Excision des lèvres, simple, ou carrément coupées à la machette après un viol collectif. Enfants ou adolescentes, tout y est. Devant la brutalité des clichés qui défilent, l’assistance, qui compte 90 % de femmes,  ne peut s’empêcher de détourner le regard et de pousser des cris d’indignation.

Si l’excision est surtout pratiquée en Egypte (97%) ou en Afrique noire (Afrique de l’Ouest et Corne de l’Afrique), les intervenants rappellent qu’elle s’exerce aussi en France. Emmanuelle Piet, responsable de la planification familiale au Conseil Général, regrette que la communauté internationale parle de « violences génitales »* et non sexuelles. Car pour elle, l’excision est avant tout « un acte de domination sexuelle de l’homme sur la femme ».

 A l’issue de la conférence, Mensena Din Amar, assistante sociale dans un collège du département, regrette que « dix ans après, on soit toujours sur les mêmes constats ». Mais reconnaît tout de même que « certaines choses ont évoluées, notamment au niveau médical. Les avancées de la réparation, la prise en charge à 100 % par la Sécu, la place de la parole des femmes ». Une note optimiste pour conclure cette journée d’échange, comme pour saluer le travail précurseur du département.

 Louise S. Vignaud

 Flick/Licence CC

* Le 20 Décembre 2012, le Conseil de sécurité  a pour la première fois adopté une résolution sur « l’intensification de l’action mondiale visant à éliminer les mutilations génitales féminines ».

Pour en savoir plus :

Le 26 février aura lieu la 11ème rencontre départementale de l’Observatoire des violences faites aux femmes sur le thème « Protéger, pénaliser, prévenir », de 9h à 17h.

1 boulevard Lénine – Bobigny