Quatre mois après le flop médiatique de l’année, Bugarach, petit village de l’Aude a enfin retrouvé le calme dont on l’avait privé. Les journalistes, à force de tourner en rond, ont préféré oublier. L’effet d’intox serait-il retombé comme un soufflé ? L’apocalypse évitée, restent pourtant les sectes, toujours présentes dans la région, et quelques mystères plus substantiels dont les médias n’ont pas cherché à s’emparer.

Beaucoup d’énigmes autour de ce village reculé du massif des Corbières. Parmi les plus intéressantes, on note celle de l’ermitage de Galamus. En 1597, on y retrouve Albert Fonçay Map, parti exploré trois jours plus tôt le boyau circulaire de la grotte de Marie-Madeleine, en compagnie du religieux Marie-Bernard Brauge. L’histoire a marqué les annales, car le religieux n’a jamais été retrouvé et Albert Fonçay Map, couvert de blessures, délirant, est décédé trois semaines plus tard dans une crise de folie. L’ermitage Saint-Antoine de Galamus existe encore mais le boyau, baptisé la « gueule infernale », a été bouché quelques temps après l’incident. Aucune fouille n’a été entreprise depuis. Voilà qui sans doute contribua à alimenter les légendes dans la région. Personne ou presque ne s’est penché sérieusement sur la question.

Dès lors, il ne reste plus qu’à aller chercher par nous-mêmes. Pour ceux qui ne se sentent pas l’âme d’un spéléologue, il y a bien quelques livres qui effleurent le sujet. Pour n’en citer qu’un, revenons brièvement sur l’étrange roman de Luc Alberny : Le Mammouth bleu. Plutôt qu’un résumé qui risquerait de vous gâcher quelques surprises, gageons que ces quelques informations suffiront à vous mettre l’eau à la bouche. D’Ossendowski à Guénon en passant par  Saint-Yves d’Alveydre, grands érudits de la fin du XIXe – début du XXe siècle, on y découvre un nouveau visage du Roi du monde aux détours de propositions fantastiques sur l’origine de la langue basque.

Publié en 1935 et quasi-introuvable depuis, les éditions de l’Œil du Sphinx ont eu la bonne idée de le ressortir en 2005. Ce roman court où il est beaucoup question d’amour, en plus d’une passionnante aventure, offre quelques pistes de réflexion sur certaines de ces questions. Si l’écriture est agréable, il serait dommage de se laisser aller à une simple lecture ; quitte à se perdre dans des raisonnements parfois farfelus. Nul doute que quelques clés ont été cachées entre les lignes, autant  prendre le temps de creuser un peu.

Et puisqu’il est question de littérature, précisons que Jules Vernes aussi, a fréquenté Bugarach. Le village lui inspira même en partie Clovis Dardentor.  Souvenez-vous simplement du nom du commandant de l’Argèlès et vous conviendrez qu’aucun doute n’est permis. Ce fut le cas de Gaston Leroux et Maurice Leblanc également. Pour ceux qui préfèrent du concret, est-il nécessaire de rappeler la mémoire du mystérieux abbé Saunière ? Légendes ou pas, dans la région, les histoires  ne manquent pas. Et c’est dommage que l’on ne se soit pas plus attardé dans ces contrées, littéraires ou pas, à la lisière du fantastique, car c’est au final à peu près tout ce qu’il reste de Bugarach.

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Ainsi, plutôt que de broder sur du vent comme ça a été le cas un certain 21 décembre de l’année dernière, retournons voir les éditions de l’Œil du Sphinx. En cherchant justement à promouvoir le fantastique, ce même fantastique qui rôde autour de Bugarach, par du sang neuf autant que par des auteurs injustement oubliés, elles font un travail remarquable. Tant pis donc si le graphisme des couvertures laisse parfois à désirer, il serait vraiment dommage de s’arrêter là. Pour preuve, le second numéro de l’anthologie Wendigo, sorti récemment et dans lequel on peut lire (ou relire) de savoureuses nouvelles de Richard Marsh, Francis Stevens, Willy Seidel, Victor Rousseau, Hugh Burt, Guy Boothby et Barbara Baynton. On passe volontiers de l’horreur (la première et la dernière nouvelle par exemple) au fantastique (La plus ancienne chose au monde qui, avec le recul, pourrait sembler prémonitoire). Certains auteurs comme Boothby, préfèrent quant à eux laisser le lecteur choisir entre les deux. Si d’autres textes sont un peu plus faibles, Le Sépulcre Blanchi de Burt notamment, ils restent, par leur rareté, des choix éditoriaux audacieux. L’ensemble est généreux et cohérent puisque on y voyage beaucoup, du sud de la France au bush australien, tout en explorant différentes facettes du fantastique et de l’horreur tels qu’on les pratiquait jusque dans les années 50 dans les magazines populaires. Notons enfin que des notes biographiques concises et bienvenues complètent la lecture et font de l’ouvrage, étrangement peu plébiscité, un indispensable au même titre que les anthologies Creepy et Eerie, sorties il y a peu chez Delirium.

 Matthieu Conzales.