Coexister, le mouvement interreligieux des jeunes, fête ses cinq ans. A l’occasion de cet anniversaire, nous nous sommes entretenus avec deux de ses adhérents. Retour sur cinq années de « vivre ensemble ».
Josselin Tricou est délégué national à la formation. Il est bénévole et catholique pratiquant, son rôle est d’apporter des outils pédagogiques aux membres de l’association pour leur permettre de mieux sensibiliser et donc de diffuser correctement le « message » de l’association.
Yasmine a 19 ans. Elle est agnostique, son père est musulman pratiquant, sa mère est chrétienne pratiquante et sa grand-mère est juive. Elle a interrompu ses études pour faire un service civique à Coexister. Depuis octobre 2013, elle est déléguée nationale du pôle de sensibilisation et coordonne les onze groupes locaux dans leurs missions de sensibilisation.
Parlons Info : D’où vient l’idée de créer une association jeune interreligieuse? En quoi cela consiste-t-il ?
Josselin Tricou : Au départ, Coexister est un groupe de dialogue fondé en 2003 par trois amis et croyants de confessions juive, musulmane et catholique, dans le 15e arrondissement de Paris. Puis, en 2009, Samuel Grzybowski, le président actuel, aussi à l’origine du groupe de dialogue, a décidé de créer une association de coexistence active avec des jeunes, dirigée par des jeunes et pour les jeunes. Et ensemble, notre but est de trouver des solutions dans l’amitié à la coexistence, le tout dans un climat de confiance. On veux avant tout faire passer un message, c’est la raison pour laquelle on intervient de plus en plus dans des collèges, lycées ou maisons de quartier car ce message s’adresse avant tout au plus jeunes d’entre nous.
Notre idéal de vie en société, c’est la coexistence active. Le but, ce n’est pas de se juxtaposer les uns avec les autres et de cohabiter comme c’est le cas aujourd’hui. La coexistence, ce n’est pas de la tolérance. L’idée, c’est d’aller vers l’autre pour le connaitre sans renoncer à sa propre identité. En connaissant l’autre, je l’estime, je l’apprécie, et lui aussi est amené à vivre la même chose dans un climat de sincérité respective.
Pourquoi dirigez-vous vos actions associatives auprès des jeunes? Concernent-elles uniquement les croyants ?
Josselin Tricou : Ce qui différencie cette association interreligieuse des autres, c’est que tout d’abord, l’interreligieux est employé comme moyen afin de vivre ensemble et que ce moyen est mis au profit de jeunes bénévoles car ils sont l’avenir de la société. L’interreligieux est vécu et subi en grande majorité par des jeunes (dans la rue, à l’école, au collège etc.). Au fur et à mesure, on a été rejoints par des athées et des agnostiques, parce que l’interreligieux n’est pas réservé qu’aux gens qui croient en quelque chose. C’est aussi important pour nous de les compter a nos cotés parce que leur présence fait partie du vivre ensemble et de la réalité sociale. Les actions de Coexister vont bien au delà des croyances.
Yasmine : La religion touche certes le plus profond des individus et à sa personnalité, mais s’intéresser à la religion d’un individu, c’est s’intéresser à lui, à sa culture. Il faut voir l’interculturel à travers le prisme de l’interreligieux. Et aujourd’hui, la sensibilisation passe par des interventions dans des milieux qui se veulent « jeunes », comme Josselin l’a dit, mais aussi sur Twitter, Facebook… [NDLR: l’association compte plus de 10 000 sympathisants sur les réseaux sociaux]
Quand on fait de la sensibilisation auprès des jeunes, on met un climat de confiance de jeunes à jeunes. Parler religion, ce n’est pas toujours évident, on les encourage donc à s’interroger sur l’autre et on en profite pour discuter de certains clichés qu’ils peuvent avoir. Surtout, on n’hésite pas à débattre avec eux. On les amène à discuter de religion sans problème et dans le respect.
Josselin Tricou : Le but n’est pas de donner une leçon mais de les amener à se rendre compte que l’on peut vivre ensemble. Et le mieux c’est de leur prouver que c’est faisable par notre présence, et par notre vécu dans l’association. Il ne s’agit pas de leur faire des leçons de morale mais de leur montrer à travers ce que l’on vit que c’est possible.
Cinq ans, cela représente quoi pour vous et votre association ?
Josselin Tricou : Pour ma part, je trouve qu’après cinq ans, l’élan fondateur est toujours présent. C’est une prise de risque qui se renouvelle chaque année. On prend de plus en plus d’assurance et on essaye de relever de nouveaux défis.
Yasmine : D’autant que cette flamme est sans cesse renforcer par les événements que nous organisons comme le FAT : le « Festiv’All Together ». C’est un festival organisé par Coexister pour montrer que vivre ensemble, c’est possible. Il s’est déroulé en mai 2013. On a eu la chance de se faire parrainer par le rappeur Disiz la Peste, et à Lyon, on a même réussi à faire venir des artistes comme Bakermat, toujours dans l’optique – et avec la même envie – de partager quelque chose entre jeune encore une fois.
Josselin Tricou : On a organisé le festival selon trois directives : le dialogue la solidarité et la sensibilisation. La solidarité par le don du sang, et le dialogue et la sensibilisation passent par la musique lors des concerts avec des artistes bénévoles qui se sont engagés dans cette cause, et pour qui notre message s’accorde avec ce qu’ils véhiculent en tant qu’artistes.
Yasmine : Mais cette année, notre plus gros évènement restera sans doute l’InterFaith Tour. Le concept : cinq jeunes de confessions différentes qui partent pour un tour du monde à la rencontre des associations interreligieuses, le tout dans 50 pays, de septembre à mai. Il s’agit de faire un état des lieux de l’interreligieux à l’international à travers des témoignages tout en véhiculant notre idéal de vivre ensemble.
Vos actions ont donc des répercussions bien au-delà de la sphère religieuse. Votre message ne serait-il pas aussi politique ?
Josselin Tricou : Coexister n’est pas rattaché politiquement, mais on a un impact politique de part le sens qu’on accorde à la laïcité. On pense qu’il y a de la place pour toutes les religions dans l’espace social. Mais ça n’est pas un message politique partisan. On œuvre pour que, au nom de notre conception de la laïcité, on ne soit pas dans l’écrasement de l’autre ni dans l’écrasement de soi-même. D’ailleurs, à ce sujet, l’adjoint du ministre de l’Éducation national nous a demandé comment on pourrait intervenir dans les écoles en gardant une neutralité religieuse, et on lui a répondu qu’il n’y aurait pas de prosélytisme si ce n’est celui du vivre ensemble.
Yasmine : Si éduquer les gens sur le sens de la religion aujourd’hui en France, c’est politique alors oui, notre message est politique mais avant tout, notre mission est humaine, même si elle est utopiste ![Rires]
Josselin Tricou: Oui, on ne fait pas non plus de la défense communautariste. Notre but, c’est juste de changer les regards.
Pour plus de renseignements sur l’association : http://www.coexister.fr
Propos recueillis par Théo Nestoret–Puyon