Comme le rappelle le Handelsblatt, le quart de finale qui va opposer ce vendredi l’Allemagne à la France met plus en jeu qu’une place en demi-finale. Le Président du DFB Wolfgang Niersbach et celui de l’UEFA Michel Platini n’ont d’ailleurs pas hésité à se taquiner. Comme souvent en phase finale de coupe du monde, bien avisé est celui qui parvient à affirmer qui de la France ou de l’Allemagne l’emportera. Kahn et Schumacher n’appartiennent pas à cette catégorie et voient l’Allemagne l’emporter. Le Spiegel se montre plus réservé en estimant qu’aucune équipe ne se dégage de la compétition avant ces quarts. Le FAZ soumet dès lors la question de l’identité du vainqueur du Mondial au vote des lecteurs : la France obtient 6% des votes, contre 34% pour l’Allemagne. Le même dispositif est proposé sur la page internet du Sportschau, l’institution sportive de la chaîne publique ARD : 36,5% des votants pensent que le parcours allemand s’arrêtera aujourd’hui, 19,2% en demies, 14,8% en finale, tandis que 29,5% des internautes voient l’Allemagne soulever la coupe. Parallèlement, la certaine crainte qu’inspire à nouveau l’équipe de France chez le voisin allemand trouve un écho réciproque au sein de « La Grande Nation » (ici et ici pour creuser). Kicker, le FAZ et le Süddeutsche Zeitung relèvent ainsi la grande estime dans laquelle les joueurs et le public français tiennent la Nationalmannschaft. Sportschau relève néanmoins également que le public français se remet à nouveau à vibrer pour son équipe.
En une : Le poker-menteur autour du positionnement du capitaine Philipp Lahm
Les journaux allemands s’en délectent tous : Lahm doit-il jouer, comme il le demande, devant la défense, ou bien se cantonner à son couloir droit, où il a précédemment donné tant de satisfaction ? Là encore, l’avis du public est demandé : les lecteurs du Sportschau votent à l’unisson (100%) pour le poste de latéral. Bild résume à lui seul le faux débat qui traverse la presse d’outre-rhin (dans son
entièreté) autour du capitaine allemand : lors des huitièmes, tout alla mieux pour le onze allemand quand Lahm remplaça Mustafi dans le couloir, suite à la blessure qui mit fin à son mondial. Les méformes combinées de Khedira et Schweinsteiger expliquent en réalité le choix temporaire du sélectionneur, en particulier au regard du combat physique imposé par l’Algérie en huitièmes de finale.
Les joueurs
Les bleus, à l’instar des allemands, n’ont pas convaincus lors de leurs confrontations respectives contre le Nigéria et l’Algérie. Pour autant, certains ont plus attiré l’attention que d’autres.
– NEUER : aux yeux du monde entier, le gardien allemand a largement surnagé lors du très serré Allemagne-Algérie, ce que le Frankfurter Rundschau ne manque pas de remarquer à travers trois articles élogieux, le qualifiant même de libéro à la Beckenbauer ! Bild a également participé à la comparaison en demandant au Kaiser Beckenbauer si le gardien n’était pas un meilleur libéro qu’il ne le fut jadis…En France, So Foot a fait parler sa verve dans une tonalité plus déshumanisante, le surnommant C-17 (avec son pendant, l’inusable Müller, aka C-18), en référence aux cyborgs du manga japonais Dragon Ball Z.
– MÜLLER : Craint comme aucun autre attaquant allemand chez les français, Thomas Müller ne suscite pourtant que des articles allant de la moquerie à la perplexité, concernant la combinaison vaudevillesque orchestrée à l’occasion d’un coup franc contre l’Algérie (notamment chez Die Welt).
– SCHÜRRLE : Indubitablement, le déblocage du match contre l’Algérie a donné au joueur de Chelsea un nouveau statut, en lien avec les contre-performances (relatives) de Götze et Özil. Les Frankfurter Rundschau et Süddeutsche Zeitung le soulignent.
– GÖTZE et ÖZIL : certains articles allemands rappellent les relents populistes (sinon plus) de la presse française à l’égard de certains joueurs désignés à la vindicte populaire, suite aux nombreuses déconvenues footballistiques vécues par l’équipe de France post-98. Le TAZ ne dit pas mieux, citant à l’occasion Arsène Wenger, son entraineur de Mesut Özil à Arsenal : qui n’aime pas Özil ne comprend rien au football. Pourtant, Mesut resterait incompris dans son propre pays : le syndrome Anelka ? Le Rundschau complète le tableau avec la pépite Mario Götze : malgré les promesses affichées par ses performances précédentes, le jeune milieu offensif déçoit, passant même pour arrogant. Là encore, la question des millions engrangés par ces enfants gâtés du foot business finit par ressurgir, pour en définitive polluer la perception sportive de leur exceptionnel talent. Die Welt conclut même par la difficulté qu’il aurait à comprendre les deux joueurs : nonchalance, distance avec les journalistes, il est en vérité surtout question de comportement et d’apparence. Le journal explique cependant que ces joueurs appartiennent à une nouvelle génération de joueurs, prototypes d’une modernité à venir, à l’instar des marques que sont devenus les Neymar et autres Cristiano ‘CR7’ Ronaldo.
– POGBA : les allemands ne s’y trompent pas. Celui que ses proches surnomment « la pioche » est présenté ici comme « Paul le poulpe » (son surnom à la Juventus), mais surtout comme le nouveau joueur capable de redonner espoir à une équipe tricolore longtemps orpheline d’un métronome offensif. Le lecteur allemand peut également apprendre à travers ces articles que l’intéressé était confondu avec Mario Balotelli lorsque les deux joueurs évoluaient dans les deux clubs de Manchester. Le désir des plus grands clubs européens de l’enrôler pour des sommes faramineuses est également relevé. Plus encore, son profil de gagneur est disséqué (de sa volonté d’excellence, en passant par son fort tempérament, jusqu’à l’affirmation de la bonne intégration en France de sa famille -sic).
– BENZEMA : Le caractère du lyonnais n’a pas plus échappé à la presse allemande. Son attitude capricieuse lors de la confrontation contre les Super Eagles fait d’ailleurs l’objet d’un article du Rundschau. Le Süddeutsche ne manque en revanche pas de rappeler le talent du madrilène, expliquant que le sélectionneur allemand aimerait disposer d’un tel joueur.
– GRIEZMANN et VALBUENA : Alors que Benzema revendique en silence le poste d’attaquant axial, les ailiers français les plus en vue font l’objet de portraits. Faisant figure avec Pogba de représentant de la nouvelle et talentueuse génération française, le Zeit explique qu’Antoine Griezmann conserve comme un trésor un pantalon de survêtement du maître Zidane. Son parcours atypique est présenté en lien avec la surprise que suscite la démonstration de ses qualités lors de ce mondial. Réciproquement, le parcours semé d’embûches que « petit vélo » a dû emprunter pour pouvoir finalement s’imposer à Marseille et chez les Bleus n’est de même pas passé inaperçu.
Les sélectionneurs
– LÖW : Le sélectionneur allemand fait les frais des précédentes campagnes infructueuses. Malgré le jeu impressionnant développé depuis plusieurs années par le onze allemand, la victoire reste un impératif catégorique Outre-rhin. Pour autant, la quasi-totalité de la presse allemande reproche désormais à son stratège un jeu trop peu flamboyant, preuve s’il en est que les mentalités allemandes évoluent plus vite que les idées-reçues. La ligne défensive composée de quatre défenseurs centraux entre en résonnance avec le débat sur le positionnement du capitaine Lahm. Bild est bien évidemment le premier à tirer sur l’ambulance, alors même que la Mannschaft doit composer avec les absences de joueurs aussi précieux que Marco Reuss, Ilkay Gündogan et Mario Gomez. Seul le Zeit estime que le sélectionneur voit juste. Die Welt résume la situation en expliquant que Joachim Löw s’est mué en tacticien réaliste après avoir échoué plusieurs fois à rivaliser avec l’étincelante Roja espagnole.
– DESCHAMPS : Die Welt consacre un article très fouillé au sélectionneur tricolore, pointant notamment son rapport obsessionnel à la gagne. Ce dernier mentionne en outre qu’il entrerait dans le cercle très fermé des légendes du foot (Beckenbauer, Zagallo ont gagné le mondial à la fois en tant que joueur et en tant que sélectionneur) en cas de victoire finale au Brésil. Le Bild se consacre lui aussi au portrait de cet autre talisman du football français, égrainant notamment l’interminable liste des titres remportés par l’intéressé. Le collectif bâti par le basque est même qualifié de surprise du mondial, alors même que la tête d’affiche française du football allemand, Franck Ribéry, en est absent.
Le folklore
Schumacher ! Battiston ! Ces marronniers (1982 et 1986 en tête), que les moins de vingt ans ne connaissent que par la nostalgie insistante des générations précédentes, est pourtant partout : que ce soit en France, ou en Allemagne. Les rôles semblent pourtant s’être inversés : au Brésil, c’est la France qui joue dur sur l’homme (un présage ?), profitant notamment d’une bienveillance persistante du corps arbitral de la compétition brésilienne (tout comme de ses instances disciplinaires). Toujours dans la nuance, le Bild Zeitung bichonne à l’envie le creuset d’une image négative de la France hors de ses frontières, notamment outre-rhin, sans s’embarrasser de la plus élémentaire exactitude. D’un rigoureux respect de l’adversaire à l’ambition assumée de victoire chez les bleus, on passe directement à l’arrogance légendaire des français.
Les clés de la rencontre
– la composition de la charnière allemande : avec ou sans vrais latéraux, l’équipe allemande offre deux visages différents. Le premier permet une meilleure animation offensive via les couloirs, tandis que le second offre plus de sécurité défensive. Les retours des solides défenseurs axiaux Benedikt Höwedes et Mats Hummels laissent penser que Lahm et Boateng rejoindront leurs postes latéraux.
– la forme des joueurs allemands : la presse allemande a fait état d’une possible contamination grippale pour sept joueurs de la Mannschaft. Il semble que tout soit à présent rentré dans l’ordre. En outre, dans le cas où Götze, Özil, Khedira et Schweinsteiger retrouveraient leur rendement habituel, la France n’aurait alors droit à aucune erreur de concentration.
– Quelles sont limites de l’équipe de France ? Si la presse allemande élude l’objectif principal des Bleus (préparer au mieux une équipe conquérante en vue de l’Euro 2016 à la maison), Didier Deschamps n’est pas homme à se satisfaire d’un mi-parcours honorable. Benzema, Pogba, Cabaye, Varane, Griezmann, Matuidi, Debuchy n’avaient encore jamais participé à un mondial avant le Brésil. Sauront-ils rééditer une performance analogue à celles des matchs contre l’Ukraine (barrage retour) et la Suisse (5-2 lors de la phase de poule) ?
– Les Bleus n’ont encore jamais battu la Mannschaft aux tirs aux buts
– L’arbitrage : au regard de la sympathie arbitrale pour les Français lors des précédents matchs du mondial 2014, l’équipe tricolore ne pourra pas se plaindre en cas de décision litigieuse de la part de l’Argentin Nestor Pitana.
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