Après trois semaines d’une course éreintante dominée de bout en bout par Vincenzo Nibali, les coureurs ont rallié les Champs Élysées. Le dénouement est heureux pour les Français qui trustent les places d’honneur.
Les Allemands à l’honneur
Les Allemands ne sont pas bons qu’au foot! Si aucun d’entre eux n’a pesé sur le classement général, les Allemands ont fait une véritable razzia de victoire d’étape sur ce Tour. Il faut dire qu’ils possèdent dans leurs rangs quelques-uns des meilleurs coureurs mondiaux. D’abord, Tony Martin a sauvé le Tour de son équipe Oméga-Pharma Quickstep, orpheline du sprinteur Mark Cavendish, en remportant en costaud et en solitaire une étape en ligne et surtout, sa spécialité puisqu’il est triple champion du monde de la discipline, l’unique contre-la-montre de cette édition. Ensuite, Marcel Kittel a confirmé qu’il est désormais le meilleurs sprinteur au monde en raflant quatre bouquets dont la première étape, ce qui lui a permis de porter le maillot jaune, et la dernière, s’offrant donc le luxe de s’imposer sur les Champs. Seuls son compatriote André Greipel et à deux reprises le Russe Alexander Kristoff, déjà vainqueur cette année de Milan San Remo, ont réussi à s’imposer devant lui dans les sprints massifs. Mais sa suprématie, si elle est bien due à son talent et à sa puissance, est aussi due au travail colossal effectué par son équipe pour l’emmener dans les meilleures dispositions dans les derniers kilomètres. Seul regret pour le colosse : il n’a pas pu ramener le maillot vert sur Paris, battu par un Peter Sagan plus polyvalent que lui, ce dernier se montrant incapable de récompenser le travail de son équipe Liquigas par une victoire mais trustant les places d’honneurs.
Nouveauté : les Français aussi !
Les Français étaient habitués ces dernières années à faire de la figuration, se glissant dans un maximum d’échappées et renonçant d’emblée au classement général. Seul Thomas Voeckler ces dix dernières années avait réussi à se hisser dans le Top 5 du Tour et ce, à la surprise générale. Le premier Français au général l’an dernier n’était autre que Romain Bardet, quinzième. Mais cette année pourrait bien signer le retour au plus haut niveau du cyclisme français. Pour la première fois depuis 30 ans, deux Français sont sur le podium. Ils sont même trois dans le Top 10, quatre dans le Top 15 et six dans le Top 20 ! Signe encourageant, hormis Jean-Christophe Péraud qui est sur la fin de carrière du haut de ses 37 ans, les deux autres français du top 10 ont moins de 25 ans et pourraient être les stars du cyclisme de demain.
Si Romain Bardet a perdu pour deux petites secondes sa place dans le top 5, miné par une crevaison lors du contre-la-montre et une chute la veille dont les séquelles l’ont sans doute amoindri, Thibaut Pinot a confirmé que tous les espoirs placés en lui n’étaient pas une chimère puisqu’avant le contre-la-montre fatidique, il s’était hissé à la 2e place et donc imposé comme le deuxième meilleur grimpeur de ce Tour. Certes incapable de suivre la cadence imposée par Nibali dans les Pyrénées, il a montré de réels progrès en contre-la-montre puisqu’il n’a perdu que 40 secondes sur Péraud, ancien champion de France de cette discipline, et était tout proche du Top 10 lors de cette étape. Il a en tout cas fait un beau pied de nez à Valverde – avec qui il s’était accroché verbalement mais aussi réellement puisque Pinot a cassé le dérailleur de l’Espagnol dans les Alpes -, en le devançant largement dans le contre-la-montre alors que l’Espagnol ne semblait pas faire du jeune Français un rival pour le podium. Avec une troisième place et le maillot blanc, le jeune français a effacé les doutes nés de son échec l’an dernier sur le Tour.
On parle beaucoup des deux jeunes Français mais il ne faut pas omettre la superbe performance de Péraud. Arrivé dans le monde cycliste professionnel sur le tard après s’être illustré en VTT, il s’est arraché pour garder la roue des ses rivaux en montagne avant de montrer qu’il maitrise parfaitement l’effort solitaire en surpassant ses concurrents au podium, malgré une crevaison, dans le contre-la-montre. Consécration d’une carrière, après une médaille d’argent aux JO, il fait un très beau deuxième de la plus grande course cycliste au monde.Si on ajoute à ces trois champions Pierre Rolland,malheureusement trop fatigué par son beau Giro pour jouer les premiers rôles sur ce Tour, il est désormais plus que plausible que l’un d’entre eux succède à Jalabert, vainqueur de la Vuelta en 1995, et s’impose dans un grand tour.
L’an dernier, les français n’avaient remporté qu’une étape, certes magnifique, par Christophe Riblon et, même à ce niveau, les français ont mieux fait en glanant deux victoire d’étape. Blel Kadri a de nouveau démontré que les français sont de bons baroudeurs alors que Tony Gallopin, après avoir porté le maillot jaune, s’est imposé au culot, devançant un sprint massif. Seul subsiste un (petit) regret : la jeune génération de sprinteurs français n’a pas réussi à s’imposer face aux meilleurs sprinteurs mondiaux.
Nibali étincelant
C’est le grand vainqueur de ce Tour. Personne n’était en mesure de contester sa suprématie. Vincenzo Nibali a pris le maillot jaune lors de la deuxième étape et l’a gardé sur les épaules jusque sur les Champs, le laissant le temps d’un 14 juillet sur les épaules d’un français, alors que son équipe Astana ne semblait pas impériale, contrairement à l’armada Sky des deux années précédentes. Il s’est même permis de ravir quatre étapes, chose qu’un leader du classement général n’avait plus fait depuis bien longtemps. Sûr de lui, jamais en difficulté, il a progressivement accentué son avance, d’abord sur les pavés puis dans les différents massifs montagneux, des Vosges aux Pyrénées en passant par les Alpes. Fin tacticien et gestionnaire, il n’a commis aucune erreur, n’a pas gaspillé son énergie et a placé des accélérations aux moments propices. Déjà vainqueur du Giro et de la Vuelta, le Sicilien prouve qu’il fait parti des grands. Si beaucoup déploraient les abandons de Froome et Contador, rien ne dit qu’ils aurait pu rivaliser avec le Squale tant ce dernier semblait intouchable, intraitable sur tous les terrains. Après l’ère Armstrong, une nouvelle ère de règne sans partage vient-elle de commencer ?
Aymeric Misandeau
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