Tribune. Grégory Franc de Ferrière, chef de produits français à Hong Kong, témoigne des événements qui ont secoué cette Région administrative spéciale de la République populaire de Chine.
C’est la première fois que je vois des manifestants aussi polis. Lorsque je participais à des manifestations françaises en tant qu’étudiant, mes amis et moi nous y rendions après avoir bu un coup, étions bruyants, chantions de stupides slogans, nous faisant insulter par d’autres groupes et pousser par la foule. Honnêtement, nous étions plus intéressés par le fait de manifester que par les revendications soulevées par les syndicats.
Je suis résident hongkongais depuis deux ans et j’ai observé à quel point les Hongkongais sont prévenants. La plupart des appartements hongkongais regroupent trois générations, les grands-parents étant hébergés par leurs enfants et petits-enfants. Lorsque vous mangez avec des Hongkongais, ils s’assureront à tout instant que vous ayez assez mangé et bu, que vous soyez confortablement installés sans avoir chaud ni froid ; ils sont très attentionnés pour chacun de ses détails et vous mettent toujours dans une situation confortable.
J’ai toujours été impressionné par le dynamisme de cette ville, l’efficacité des transports en commun, des entreprises et de l’administration. Par exemple, il ne faut qu’une semaine pour faire une carte d’identité ou un passeport. Hong Kong a un statut particulier depuis 1997 et la rétrocession de Hong Kong à la Chine. De part ce statut, Hong Kong a une indépendance financière, politique, légale qui fait de cette ville une place financière stratégique pour la Chine car deux tiers des investissements étrangers en Chine passent par Hong Kong.
Je n’ai jamais vu une manifestation aussi authentique. Personne ne cherche à tirer un avantage politique de ces manifestations, elles sont clairement apolitiques et n’ont qu’une seule revendication : un vrai suffrage universel. Le mouvement est totalement pacifique et me fait penser à un grand festival de musique de part l’atmosphère agréable et bonne enfant qui y règne. Les manifestants sont assis et laissent de larges allées au milieu qui permettent de se déplacer facilement sur le site, ou l’on peut voir des handicapés circuler sans problèmes.
L’impact sur l’activité de la ville est très limité car les événements ont principalement lieu sur une large avenue sur 2km en plein centre ville. La solidarité entre manifestants est touchante, des volontaires parcourent le site en proposant à manger ou à boire gratuitement (qui sont déposés par des donateurs tout au long de la journée), vous aident à enjamber des barrières a l’aide d’escabeaux et vous proposent des parapluies en cas d’orage. Autre détail, les déchets sont ramassés quotidiennement par les manifestants qui laissent derrière eux des rues propres.
La dernière chose qui surprend est la jeunesse de la foule qui pour la plupart a moins de 18 ans. Cette jeunesse se sent trahie par le gouvernement hongkongais qui n’a pas tenu sa promesse de suffrage universelle pour 2017. En effet, les citoyens hongkongais ne pourraient que choisir entre deux ou trois candidats « pré-approuvé » par le parti communiste chinois. Ce point de divergence a donc crée une des plus grandes manifestations de ces 10 dernières années.
Ni le gouvernement, ni les manifestants ne veulent céder. Le Parti Communiste chinois (qui supporte le gouvernement hongkongais mais ne s’exprime pas ouvertement sur le sujet) ne veut pas montrer une ouverture pour d’autres régions de Chine qui pourraient avoir des revendications similaires. Les manifestants y voient la dernière chance de conserver le statut particulier d’Hong Kong. Le dialogue a commence entre le gouvernement et les manifestants. Le mouvement a légèrement diminué ces deux derniers jours. Néanmoins, les manifestants s’apprêtent à rester dans la rue jusqu’à la fin des négociations avec le gouvernement, et continuer leur belle démonstration de manifestation pacifiste et attentionnée.
Grégory Franc de Ferrière